La famille congolaise et le dessein de Dieu : Défis, Enjeux et perspectives pastorales : MAI 2014
jeudi 30 avril 2020
MESSAGE DE LA 42ème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO (CEC)
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa »
(Gn 1, 27)
PRÉAMBULE
Réunis, pour la 42ème Assemblée Plénière de la CEC, à Brazzaville (CIO), du 5 au 11 Mai 2014, nous Évêques du Congo, vous adressons à vous tous, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ, hommes et femmes de bonne volonté, ce message d’espérance et d’amour sur la Famille.
1. Depuis quelques décennies, le monde traverse une crise de civilisation qui ébranle toutes les structures sociales, sans épargner la famille. En effet, les menaces contre la famille, contre la dignité de l’homme et de la vie ne peuvent que toucher nos cœurs de pasteurs, toute l’Église et toute personne de bonne volonté. Elles ne peuvent que nous atteindre au plus profond de notre foi en l’incarnation rédemptrice du Fils de Dieu et dans notre mission d’annoncer l’Évangile de la vie, dans le monde entier et à toute créature (cf. Ac 1, 8), surtout en ces temps où semblent se déchaîner toutes les forces d’une civilisation plutôt de mort. Aux fléaux anciens et douloureux : de l’esclavage, de la misère, de la faim, des maladies endémiques, de la prostitution, de l’inceste, de la violence et des guerres, s’ajoutent d’autres qui prennent des dimensions inquiétantes : la prostitution, l’avortement, le libertinage sexuel, la pornographie, l’infidélité croissante, les déviances auxquelles notre monde est de plus en plus confronté : la pédophilie, l’homosexualité, le phénomène des enfants de la rue, la drogue et l’alcoolisme, les divorces sans cesse croissants, le libertinage sexuel, les viols, les mariages pour tous, etc.
2. Toutes ces pratiques, et d’autres analogues, montrent un échec dans la construction de la famille dans notre société. Tandis qu’elles dévitalisent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent, et elles attentent gravement à la survie de la famille et à l’honneur du Créateur. Tout cela révèle une perte du sens de la personne humaine créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26).
3. L’Église ne devrait-elle pas s’engager plus efficacement dans la mission prophétique pour redonner confiance aux familles et une image positive de cette cellule fondamentale de la société ? Ainsi, notre réflexion, comme Évêques, se veut être une prise de position, pour un éveil de la conscience, en vue de redynamiser la famille pour un monde meilleur.
I. ORIGINE DIVINE DE LA FAMILLE
4. Dans notre foi au Dieu de la vie qui s’enracine dans la foi du Peuple de Dieu d’Israël, nous annonçons cette conviction des croyants que « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa » (Gn 1,27). Ce passage du livre de la Genèse, nous montre que dès le commencement du monde il y a la réalité de la famille. Dieu a voulu que l’homme et la femme soient ensemble et forment ainsi une famille. La famille apparait dès lors comme une vocation originelle de l’homme, autrement dit, l’homme et la femme sont appelés à vivre ensemble, à constituer un noyau de vie, comme réponse première à la volonté de Dieu. Les récits de la création, que nous lisons dans le livre de la Genèse, nous donnent ces notions de base sur la famille.
C’est d’abord Dieu lui-même qui prend l’initiative de créer l’homme et la femme, par la suite les invite à se mettre ensemble. L’homme et la femme, qui forment ainsi leur couple, reçoivent de Dieu une mission : celle de procréer, d’être féconds et de dominer sur la création (Gn 1, 27-28). Ainsi, la vocation première de l’homme et de la femme est celle de former une famille, pour continuer l’œuvre du créateur. La vie en famille apparait dès lors comme une bénédiction de Dieu (Gn 2, 23). La famille fait ainsi partie du projet divin (Mt 19, 5), elle est donc une institution sacrée ; sa sacralité découle de son essence. Dans ce sens, la famille mérite d’être respectée, honorée, défendue et valorisée.
5. Dans la Bible, Israël trouve dans sa vie la famille comme socle social, économique, juridique et religieux. En lisant le livre de Josué, l’organisation de l’ancien Israël comprend la famille, la maisonnée, le clan, la tribu et la nation (cf. Jos 7, 16-18). Dans le monde juif, on peut retenir trois expressions pour parler de la famille, la plus adéquate est la maison paternelle (beth Av). Les deux autres sont la maison (bayith) et le clan (Mishpahah). Le terme maison est très souple à un point il englobe le peuple entier (la maison de Jacob, la maison d’Israël). La famille congolaise (africaine) peut aussi se comprendre dans le même sens, car il y a la famille élargie mais il y a aussi la famille restreinte fondée sur le mariage (père, mère et enfants).
II. LA FAMILLE HIER ET AUJOURD’HUI
6. La famille est une vieille institution qui remonte aux origines de l’homme et de la société. Elle a toujours existé et elle existera. Toutefois nous pouvons constater de profondes mutations intervenues dans la conception de la famille.
1. LA FAMILLE DANS LA SOCIÉTÉ TRADITIONNELLE
7. La famille dans la société traditionnelle est une école d’humanité. C’est le premier lieu d’apprentissage des transactions sociales où s’inculque un modèle culturel d’attitudes et de comportements. Lieu de rapports plus intimes, la famille a généralement un sens élargi. Elle est le lieu de prédilection de toute éducation où l’enfant acquiert les notions essentielles de vie communautaire. Cette éducation était transmise de façon séparée : les garçons d’un côté, les filles de l’autre, chacun selon son univers.
8. Cette répartition de la vie par sexe favorisait bien un véritable climat d’intimité et d’imprégnation de ses devoirs aussi bien par la fille que par le garçon. C’était donc au « mbongui » que le jeune garçon adolescent s’initiait à la vie d’homme (système d’initiation), s’abreuvant d’histoires, d’énigmes, de contes et de proverbes qui y étaient racontés. La fille, quant à elle devait restée auprès des femmes et plus précisément de sa mère qui se chargeait de son initiation à la vie d’épouse.
9. Cette éducation à la vie à travers un système d’initiation, par sexe, avait pour finalité de préparer les jeunes gens à la vie sociale et familiale. La raison de cette éducation était de garantir la vie et la survie de ses membres, de sorte que chacun soit un trésor pour tous.
2. LA FAMILLE SOUS LE CHOC DE LA COLONISATION
10. L’avènement de la colonisation, loin d’améliorer le vécu quotidien de la famille congolaise, l’a plutôt désorienté en raison de l’introduction d’éléments nouveaux. Le Cardinal Émile Biayenda faisait le même constat en soulignant la disparition du mbongui et l’introduction de nouveaux modes de vie au sein de la famille : « ...Tout cela, écrit-il, a profondément marqué la conception et le mode de vie de la famille, les relations entre conjoints, ainsi qu’entre parents et enfants. Même si au village se maintient la conception traditionnelle de la famille, celle-ci n’en est pas moins marquée par toute cette évolution ». Il conclut ce constat amer en exhortant : « Il nous appartient de guider cette évolution et non de la subir ; de sauvegarder les valeurs traditionnelles et de promouvoir celles qui étaient méconnues » (Cardinal Emile Biayenda, Lettre Pastorale sur la Famille, Carême 1975).
3. LA FAMILLE FACE A LA MONDIALISATION
11. Depuis la colonisation, la culture traditionnelle subit le choc de la modernité. L’autorité parentale a connu une véritable dépréciation. L’avènement du Marxisme-léninisme et les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont venus encore aggraver cette situation. L’économie de marché s’impose à l’économie traditionnelle (troc). La famille coutumière se voit progressivement remplacée par la famille nucléaire. Tous ces changements désorientent la famille au point qu’elle perd les repères pour une attitude sociale conséquente.
4. LA FAMILLE FACE AUX ÉPREUVES
12. La famille congolaise, comme toute société humaine, rencontre aussi des difficultés. Ces épreuves varient d’un milieu de vie à un autre. Dans notre pays, les épreuves les plus fortes sont : la maladie, la stérilité, le veuvage, le chômage, l’héritage et l’épineux problème de la sorcellerie, la polygamie, l’infidélité, la mort, etc. Cependant, nous sommes appelés à pouvoir les affronter. La famille chrétienne devra toujours se référer à la Parole de Dieu pour résoudre ses problèmes (1 Co 10,13).
III. APPELS
13. Pour répondre à cette préoccupation majeure au sujet de la famille et aux différents problèmes liés à ce thème d’importance capitale, pour notre vie et pour notre Église, Nous, vos Évêques, vous lançons ces appels, afin d’aider chacun à prendre au sérieux la question de la famille et de tout faire pour la sauvegarder. Ainsi, nous exhortons chacun et chacune : jeunes, adultes, marié (e)s et non marié (e)s, hommes et femmes, toutes personnes de bonne volonté, à tout faire pour sauver la famille, chacun selon son rang social, sa compétence et ses aptitudes. Alors que demandons-nous ?
A. AUX AUTORITÉS PUBLIQUES
14. L’Église ne saurait être insensible aux différents maux qui minent la société. Nul ne l’ignore, la société est constituée de l’ensemble de personnes humaines qui la composent, elles-mêmes issues des familles ; d’où l’importance de la famille et le rôle qu’elle est appelée à jouer au sein de la cité.
Quand l’État doit se préoccuper des problèmes vécus dans la société, il examine par le fait même tout ce qui intéresse les familles : santé, éducation, coût de la vie, pauvreté, etc. Dans notre pays, État, Église, Institutions internationales cherchent à résoudre les problèmes qui déstructurent notre société. Nous voulons apporter notre contribution, pour qu’ensemble, État et société civile, nous combattions les antivaleurs.
15. L’Église catholique qui est au Congo prie afin que le laxisme et l’impunité déplorés par tous, soient éradiqués. Notre État avait émis, il y a déjà longtemps, des lois hélas oubliées, qui protègent la famille et les mineures (le Code de la famille et la Loi Portella). Il est urgent de les appliquer. Le souci que l’État a de l’école nous donne beaucoup d’espérance. Que l’école retrouve ses lettres de noblesse : redevenir le lieu privilégié de la formation humaine et intellectuelle, lieu de rencontre d’amitié, de convivialité, de fairplay, d’émulation.
L’Église vous encourage à redoubler d’efforts contre les pathologies de toutes sortes et la misère qui menacent les familles.
16. Nous encourageons l’État à ne ménager aucun effort pour assurer la formation en nombre et en qualité du personnel de santé et de l’éducation.
La croissance économique constatée dans notre pays devrait être ressentie par les familles où sévissent précarité et pauvreté. Serait-il impossible d’asseoir une politique systématique d’aide, d’assistance et d’encouragement aux familles ? Les problèmes dans nos familles, voire dans notre société, sont si nombreux et importants qu’ils méritent qu’on s’y penche sérieusement en vue de les résoudre de manière concrète et durable. L’Église est disposée à collaborer à ce vaste et important chantier.
B. AUX MARIE (E)S
17. « Vous êtes le sel de la terre (…) Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-16). Le Christ s’adresse à vous ses disciples dans les foyers, dans les familles. Le sel se dissout, ne se voit pas. Il se mélange, conserve, et donne du goût. Vous, les mariés, devenez sel et lumière pour notre terre congolaise. Cette lumière à l’action éclatante, vient du Christ. Vivez le sacrement du mariage comme vocation, consécration et mission. C’est ainsi que vous serez les promoteurs et les défenseurs de la famille.
Au regard des enjeux que représente le combat pour le renouveau de la famille dans notre pays, une conviction s’impose : mariés et aspirants au mariage religieux, vous pouvez changer ce pays par votre bon témoignage.
18. Une seule famille a suffi pour changer le destin du monde entier, de manière durable et définitive : la famille de Nazareth ; une famille attachée à la parole de Dieu. Chers mariés, prenez de plus en plus vos responsabilités dans l’édification de votre vie conjugale et dans l’éducation intégrale de vos enfants qui sont l’avenir de l’Église et de la société. Que la Sainte Famille soit votre « icône » et votre « modèle » (cf. Homélie du Pape Paul VI, à l’église de la Sainte Famille de Nazareth).
C. AUX FAMILLES
19. Nous, vos pasteurs, sommes conscients des difficultés de tout genre que vous rencontrez dans la vie quotidienne :
- Incompréhensions et manque de dialogue dans les familles
- Accusations de sorcellerie qui divisent les familles
- Désobéissance des enfants
- Abandon du foyer
- Pauvreté
- Chômage des jeunes, etc.
20. Sachez qu’aucune vie humaine n’est exempte de difficultés. Quand les difficultés arrivent, ne renoncez pas à la foi en ayant recours à des pratiques païennes : « Heureux homme qui endure l’épreuve, parce que, une fois testée, il recevra la couronne de la vie promise à ceux qui l’aiment » (Jc 1, 12). Soyez rassurés que Dieu vous aime, car, « Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1Co 10, 13).
21. Soyez des hommes et des femmes de prière, pour être en communion avec Dieu et son Église. Méditez en famille la Parole de Dieu et vivez les sacrements (cf. Africae Munus, nn. 44, 45). Ne vous repliez pas sur vous-mêmes, parlez de vos difficultés aux personnes capables de vous accompagner, pour une réflexion et un partage fructueux.
22. Privilégiez le dialogue : un dialogue franc qui aboutit au pardon mutuel, inconditionnel, sans lequel la vie en famille serait difficile, voire impossible. Car, comme l’enseigne l’Apôtre Paul, « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout… » (1 Co 13,7).
23. Intégrez les mouvements de spiritualité conjugale pour approfondir votre vie de couple et de famille. Beaucoup de difficultés sont dues à l’ignorance.
D. AUX CHEFS DE FAMILLE
24. Chers chefs de famille, votre place n’est plus à démontrer, et votre responsabilité est capitale. L’impact de votre action peut être positif ou négatif, selon que vous agissez conformément ou non à la volonté de Dieu. Il vous donne de prendre soin des personnes qu’il vous confie. Votre mission est à la fois honorable et complexe. C’est sur vous que repose la cohésion de la famille, en matière de dot, de gestion d’héritage et de conflits, de traitement des veuves, des veufs et des orphelins. Dans cet ordre d’idées, à la lumière de la tradition et de l’Évangile, nous dénonçons la pratique illégale qui consiste à demander une dot trop élevée. Respectez ce que prévoit le code de la famille (art. 140). Nous condamnons la pratique du mariage posthume (versement de la dot lors du décès de la conjointe). Appliquez-vous avec courage, avec toute votre force, à accomplir dignement votre mission de chef de famille.
Nous vous assurons, de notre soutien, de notre proximité, de notre prière et de notre bénédiction.
E. AUX FEMMES
25. Nous nous réjouissons de ce que la condition de la femme congolaise s’améliore progressivement. Nous avons toujours reconnu le rôle si important que vous jouez dans la Famille, l’Église et la Société. Nous vous encourageons à aller de l’avant. Le fait que vous soyez représentées dans les instances de prise de décision, nous réjouit aussi. Nous savons que vous êtes et vous resterez la poutre qui soutient le toit familial. Respectez la dignité et le droit des autres femmes (surtout dans les foyers). N’oubliez jamais votre rôle d’épouse, de mère et d’éducatrice. Vous portez la vie et vous supportez aussi beaucoup de choses. Continuez de défendre cette vie, à travers les valeurs que vous transmettez à vos enfants.
26. Vous avez un grand rôle à jouer dans la lutte contre les antivaleurs et contre toute forme de violence à l’endroit de la Femme (cf. Message des Évêques 2013 : Face aux antivaleurs, que devons-nous faire ?). A l’exemple de la Très Sainte Vierge Marie, Mère par excellence, soyez des modèles admirables dans la foi, par le témoignage de votre vie (cf. 1P 3,1-6).
F AUX JEUNES ET AUX ENFANTS
27. Chers Jeunes et enfants, profitez de la présence des parents ; la famille a un rôle à jouer tout au long de l’existence de ses membres, de la naissance à la mort. Le rôle de la famille est déterminant et irremplaçable pour bâtir la culture de la vie. Les parents initient leurs enfants par la parole et par l’exemple. Ils cultivent en eux le respect d’autrui, le sens de la justice, la solidarité et toutes les autres valeurs qui aident à vivre la vie comme un don.
28. Chers Jeunes, respectez donc la famille, ce lieu privilégié où vous apprenez à recevoir et à donner l’amour, lieu où l’engagement à long terme est pris pour vous élever jusqu’à l’âge adulte (cf. Ep 6, 1-3). Les parents avec l’aide d’autres personnes et d’autres institutions s’engagent à développer vos capacités physiques, affectives, intellectuelles, morales et spirituelles. Laissez-vous former. Ne vous laissez-pas voler votre jeunesse. Ne suivez pas les faux prophètes, les marchands d’illusions (cf. Mt 7, 15-20), qui vous incitent à des actes crapuleux (fausses accusations, assassinats des présumés sorciers). Devenez ce que vous devez être : des femmes et des hommes honnêtes, sages et efficaces dans la société. La famille et l’Église vous transmettent la foi. Profitez-en, cela vous aidera à être responsables dans la vie. En tout, Aspirez à l’excellence.
G AUX PERSONNES DE BONNE VOLONTÉ
29 - Aux hommes et femmes de bonne volonté nous disons : montrez-vous responsables, vous conduisant dignement pour servir de modèle aux jeunes. Ne vous laissez pas influencer par des modes de vie et des déviations qui détruisent la famille (homosexualité, pédophilie, inceste, etc.). Ayez le goût de vous former et de vous informer à la bonne source. Corrigez avec méthode là où il y a des erreurs et des inconduites. Corrigez sans complaisance. Aimez vos enfants, aidez les à s’épanouir dans la dignité, en leur donnant le sens du devoir, du travail bien fait par votre exemple.
Conscients de la charge qui vous incombe, nous vous encourageons à l’effort constant, et vous soutenons dans nos prières
H AUX MEDIAS
30 - Nous reconnaissons que les moyens de communication sociale ont une influence notable sur la Famille en général et en particulier sur l’éducation des enfants. Nous estimons que les médias, dans leur ensemble, doivent servir de base pour une grande promotion des valeurs de paix, de justice et de réconciliation en vue du développement concret de nos familles et de notre société. Le Pape Benoît XVI dit à propos : « Les médias peuvent constituer une aide puissante pour faire grandir la communion de la famille humaine et l’ethos des sociétés, quand ils deviennent des instruments de promotion de la participation de tous à la recherche commune de ce qui est juste » (cf. Africae Munus, n. 142). Les parents doivent prendre une part active dans l’usage modéré et prudent de ces moyens. Par conséquent ils doivent s’impliquer dans le choix et le contrôle des programmes pour s’assurer que dans la diffusion on n’oublie pas les valeurs fondamentales de la vie et de la famille.
I AUX OUVRIERS APOSTOLIQUES
31 - A tous les ouvriers apostoliques, nous demandons d’avoir une préoccupation particulière pour la famille et de vous donner avec zèle et dévouement à la pastorale familiale. Vous sortez vous-mêmes des familles. Vous leur devez beaucoup de reconnaissance. C’est de la famille que vous avez reçu la vie et c’est d’elle que vous avez reçu les valeurs de base ainsi que les valeurs évangéliques (cf. Jean-Paul II, Lettre aux familles, n. 2). C’est un aspect à ne pas ignorer ni sous-estimer, car « la famille est le sanctuaire de la vie et la cellule vitale de la société et de l’Église » (Benoît XVI, Africae munus, n. 42). Même le Verbe de Dieu, dans le mystère de l’incarnation (Jn 1, 14), a choisi de naître dans une famille. Et l’Église dans sa marche historique, à travers les temps, a toujours pris à cœur le problème de la famille. Dans ce sens, les ouvriers apostoliques doivent être attentifs et dénoncer toutes les dérives qui rongeraient la famille dans sa substance. A nous, le premier devoir de la valoriser, de la défendre et de la protéger. Pour ce faire, nous faisons nôtre les recommandations du Pape Jean-Paul II qui rappelle aux pasteurs (Évêques, prêtres, diacres) qu’ils sont les premiers responsables de la pastorale de la famille (cf. Familiaris Consortio, n. 73).
32 - Souvent, l’on constate avec désarroi, l’intérêt donné à d’autres mouvements d’apostolat, sinon à d’autres secteurs, au détriment de la famille. Cette dernière est souvent abandonnée à elle-même, alors qu’elle constitue la cellule de base de la société, la première école où se transmettent des valeurs morales et chrétiennes. Encore aujourd’hui, la famille a énormément besoin de l’assistance de ses pasteurs : de leurs précieux conseils, de leurs visites, de leur appui et de leurs prières. Ainsi, un engagement sérieux et urgent doit être pris pour aider les familles en difficulté et en crise, les assister, les guider, leur apporter « l’évangile de la famille ».
33 - Nous devons aussi penser à accompagner les jeunes qui se préparent au mariage, les jeunes couples. A nous donc d’aider les couples et leur rappeler leur vocation d’être « Église domestique » et « premier environnement dans lequel la foi éclaire la cité des hommes », comme le dit le Pape François dans son Encyclique Lumen Fidei (n. 52).
A tous les ouvriers apostoliques, nous demandons d’être avec les familles, dans une pastorale de proximité, d’encourager les jeunes à découvrir la beauté et la grandeur de la vocation à l’amour et au service de la vie à travers le mariage et la famille.
IV. ORIENTATIONS PASTORALES EN FAVEUR DE LA FAMILLE
34 - Nous, vos Évêques, mettons résolument le cap sur une pastorale de promotion de la vie, du mariage et de la famille. Nos traditions africaines et congolaises plus précisément, nous enseignent un certain respect de la vie, du mariage et de la famille. Nous avons intérêt à inclure ces valeurs dans nos orientations pastorales. Citons par exemple le sérieux de l’engagement matrimonial après une longue route, la pudeur dans le langage et la tenue, la dignité et l’honneur de la famille à sauvegarder, la stabilité dans le foyer, la priorité donnée à la procréation pour perpétuer la famille, l’importance accordée à la mère et aux enfants, le mariage compris comme alliance entre deux familles, ce qui garantit la solidarité familiale et freine les divorces, le soin accordé aux personnes âgées, la protection des veuves, la prise en charge des orphelins, l’éducation familiale communautaire des enfants, le respect des ancêtres et des défunts qui favorise la fidélité aux saines traditions, et bien d’autres valeurs positives à cultiver.
35 - Nous recommandons la redynamisation des commissions diocésaines pour la famille, comme cadre ouvert à tout le monde, et comme lieu de réflexion, de prière et d’actions concrètes pour revaloriser la vie, le mariage et la famille. Nous encourageons vivement la mise sur pied des commissions de ce genre dans chaque paroisse. Voici quelques pistes qui pourraient être prises en compte par ces commissions :
- Éduquer au véritable amour, à l’ascèse sexuelle, à une saine conception de la sexualité, au respect de soi comme personne et au respect de l’autre.
- Encadrer les jeunes pour qu’ils cheminent dans la spiritualité de pureté et de chasteté avant le choix de l’état de vie qui sera le leur ensuite.
- Encourager les futurs mariés à bien préparer et à célébrer leurs fiançailles comme il convient.
- Aborder à fond la question de la fidélité conjugale et la valeur profonde de la fécondité, pour le meilleur et pour le pire.
- Pousser au dialogue, à la prière commune, au pardon et à la réconciliation dans le foyer.
- Promouvoir la condition de la femme, souligner son apport irremplaçable dans l’éducation à la vie, et dans la formation d’une culture d’accueil et d’amour de l’enfant.
- Former les agents pastoraux au respect de la vie, du mariage et de la famille. Car « l’avenir du monde et de l’Église passe par la famille » (Familiaris Consortio, n.75).
- Organiser des récollections périodiques, des sessions et des retraites spirituelles pour les couples mariés et pour les fiancés.
- Célébrer régulièrement des messes aux intentions des familles, les anniversaires de naissances et de mariages.
- Prêcher à temps et à contre temps sur la vocation et la mission de la famille, sur la dignité de l’homme et de la femme selon le plan de Dieu.
36 - Puisse cette pastorale familiale trouver un écho dans le cœur de tout le monde : prêtres, religieux-religieuses, autorités publiques, hommes politiques, personnel de la santé, ceux qui s’occupent des moyens de communication sociale, et bien sûr, toute personne de bonne volonté.
Des initiatives constructives pourraient être prises dans les paroisses, dans les familles elles-mêmes, dans les mouvements d’apostolat, etc. Notre objectif est de voir surgir assez tôt un vaste mouvement des familles pour les familles en vue de la promotion de la vie, du mariage et de la famille. Nous en appelons à la conscience de tous, de tous les groupes de prière, et de tous les mouvements d’apostolat. Nous attendons de vous une vaste mobilisation pour la famille.
CONCLUSION : Et par dessus tout, la prière …
37 - Comme le jeune David marchant avec sa fronde contre le géant Goliath bien armé, nous entrons, dans un combat qui n’est pas nôtre, dépourvus de toutes armes humaines. L’Auteur de la vie lui-même combattra pour que les forces du mal n’imposent pas leur règne. Car, le Christ qui a vaincu le monde, par sa mort et sa résurrection, est avec nous jusqu’à la consommation des siècles. En effet, « il est venu pour que nous ayons la vie et la vie en abondance » (Jn 10, 10).
38 - Renouvelons-lui notre confiance totale, car « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). En union donc avec le Saint Père, et animés par une sollicitude accrue pour le sort de chaque homme, de chaque femme, et surtout de chaque famille, nous répétons aujourd’hui ce que nous avons toujours dit aux familles engagées dans leurs tâches rendues difficiles par les embûches et les menaces de tous genres : une grande prière qui parcourt le monde par l’intercession de la Vierge Marie et de Saint Joseph, est une urgence.
Que dans la prière quotidienne, une supplication ardente s’élève de toutes les communautés chrétiennes et de toutes les familles, vers Dieu Créateur qui donne la vie. Que cette prière soit comme une chaîne qui enlace tout le Congo et le monde entier.
Dieu notre Père, nous Te bénissons,
Dans ton amour infini,
Tu nous as créés à ton image et à ta ressemblance
Par l’incarnation de ton Fils Jésus,
Tu as sanctifié la vie humaine,
Et tu as voulu que Ton Fils Jésus vive dans une famille,
en partageant ses joies et ses peines.
Tu as fait du corps humain le temple de l’Esprit-Saint.
Donne à chacun de nous et à notre monde
De respecter la vie dès sa conception jusqu’à la mort naturelle.
Père infiniment bon, par ta parole,
Tu as créé l’homme et la femme,
Différents et complémentaires, pour fonder la famille humaine.
A eux et à eux seuls, tu as donné la grâce
De s’unir par amour dans le mariage et de procréer naturellement.
Donne à chacun de nous et à notre monde,
De respecter le sens sacré de la sexualité et du mariage
Entre l’homme et la femme
Dieu, riche en Miséricorde, par ton Esprit Saint
Pardonne les péchés commis contre la vie et contre la famille :
Le suicide, l’euthanasie, l’avortement provoqué, l’inceste,
la pédophilie, l’homosexualité, l’infidélité, le divorce…
Sauve de la destruction la famille que tous créée par amour.
Aide-nous à assister mutuellement dans l’épreuve et la souffrance.
Donne à chacun de nous et à nos pays de l’ACERAC, la grâce
De respecter ton dessein concernant la famille et la vie humaine.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.
AMEN
Fait à Brazzaville, le dimanche 11 mai 2014
Les Évêques du Congo :
Monseigneur Louis PORTELLA MBUYU, Évêque de Kinkala, Président de la Conférence Épiscopale du Congo,
Monseigneur Anatole MILANDOU, Archevêque de Brazzaville,
Monseigneur Daniel MIZONZO, Évêque de Nkayi, Vice Président de la CEC
Monseigneur Yves Marie MONOT, Évêque de Ouesso,
Monseigneur, Jean GARDIN, Évêque d’Impfondo,
Monseigneur Victor ABAGNA MOSSA, Évêque d’Owando,
Monseigneur Miguel Angel OLAVERRI, Évêque de Pointe-Noire,
Monseigneur Urbain NGASSONGO, Évêque de Gamboma,
Monseigneur Bienvenu MANAMIKA BAFOUAKOUAHOU, Évêque de Dolisie.