CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


Accueil > PUBLICATIONS > PAROLE D’ÉVÊQUE > MESSAGE DU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES CHRÉTIENNES DU CONGO

MESSAGE DU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES CHRÉTIENNES DU CONGO

vendredi 5 juin 2020

20ème Assemblée Plénière de la C.E.C.

1. Encore un Message du Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo aux fidèles et aux hommes de bonne volonté.

2. Oui ! Parce que l’avenir de notre pays, de notre peuple, le succès de la transition doivent faire l’objet d’une vigilance permanente. Le moindre nuage annonciateur d’un orage doit aussitôt être intercepté par le radar de la vérité et de la transparence et être désamorcé, pour que la marche de notre peuple n’échoue pas dans le désert mais se poursuive inexorablement jusqu’au Congo nouveau. A l’instar du peuple d’Israël, nous sortons d’une ère et d’un pays de servitude ; nous entrons maintenant dans une autre ère et dans un autre pays (cf. Dt 4,44-5,1-6 ; Jos 24,14-18).

3. Si le Congo de la servitude était caractérisé par des actes incontrôlés et irresponsables dénoncés par la Conférence Nationale Souveraine, le Congo nouveau vers lequel nous marchons avec détermination, doit être caractérisé, (nous l’avons déjà dit dans nos précédents Messages) par l’amour fraternel, par la moralisation de la vie publique et privée et par le respect de la loi devant laquelle tous les citoyens sont égaux. C’est cela l’État de droit que nous professons tous.

Dans le présent Message, le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo voudrait appeler l’attention des chrétiens et des hommes de bonne volonté sur les quatre points essentiels ci-après.

I. Ne relâchons pas de vigilance.

4. Le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo se réjouit, une fois de plus, de la maturité politique du peuple congolais, de sa patience et de sa foi en Dieu « qui tient dans sa main la destinée des Nations et des hommes ». Comme dans ses précédents Messages, le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo invite le peuple de Dieu à observer encore plus de vigilance, car le diable n’a pas cessé de « roder autour de nous ». Beaucoup de signes justifient ce rappel. Écoutons l’enseignement de notre Seigneur Jésus en guise d’interpellation : « Instruisez-vous par comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous savez que le royaume de Dieu est proche » (Me 13, 28).

5. Par cette interpellation de Jésus, nous vous invitons à observer attentivement la morosité qui affecte le pays en ce moment : des tensions sociales qui se développent ici et là créées, entretenues et propagées par ceux qui veulent divertir notre peuple et le pousser aux extrémités de la patience et de l’unité nationale.

Qui a intérêt à perturber le climat pendant cette période électorale ? L’un des manifestations des tensions sociales c’est la grève. La grève légale est l’arme défensive ultime du travailleur, reconnue par la loi et qu’il convient de respecter. Mais son exploitation abusive, politicienne et irrationnelle, outre qu’elle émousse son efficacité, elle constitue une grave menace pour la survie de notre démocratie naissante.

6. Nous invitons le Peuple de Dieu à ne pas suivre « les loups vêtus de peau d’agneau ». Aucune catégorie sociale ne doit se considérer à l’abri de la gangrène déstabilisatrice et mortelle qui se diffuse maintenant dans le pays. Cette gangrène que nous ne dénoncerons jamais assez, c’est l’achat des consciences par le biais de la corruption.

7. Peuple de Dieu, rappelez-vous que vous êtes un peuple libre. Et en matière d’élection, vous êtes libres de choisir les personnes auxquelles vous voulez céder une parcelle de l’autorité que vous détenez de Dieu. Exercez votre droit de vote par référence à votre conscience façonnée et entretenue par la Parole de Dieu. N’oubliez pas que la corruption avilit l’homme corrompu en détruisant en lui l’image sacrée de Dieu ; elle fait du corrupteur un menteur et un flatteur « qui vit aux dépends de celui qui l’écoute ». En dénonçant la corruption comme étant une pratique abjecte, la Bible condamne aussi bien les corrupteurs que les corrompus, « Que sert-il à un homme de gagner toute la terre s’il venait à perdre son âme » !

II. Bâtissons ensemble notre beau pays.

8. Faut-il rappeler l’état de délabrement de notre pays ? Cela saute aux yeux de tout homme conscient et responsable. Il faut une thérapeutique appropriée qui ne peut être administrée que par des hommes physiquement et surtout moralement valides. Le Congo nouveau doit être bâti sur tous les plans : économique, social, moral et spirituel, afin que sur le désert de l’iniquité pousse une cité de paix, de concorde et de prospérité.

a. Sur le plan économique

9. Les multiples richesses de notre sol et sous-sol, de nos rivières et de notre mer n’attendent que des compétences et des capitaux pour faire le bonheur des filles et fils de notre pays et pour éloigner la misère. Les compétences sont là, peut-être pas en nombre suffisant, mais celles qui sont ici sont sous-utilisées ou pas du tout utilisées, étouffées par l’intolérance du régime passé, elles sont atrophiées et vidées de tout esprit d’initiative, condamnées à la routine sclérosante, elles ont travaillé à l’ombre de ceux dont la médiocrité et l’éthique ont précipité notre pays dans le chaos.

10. Nous invitons en conséquence les cadres et les travailleurs à se ressaisir, afin de bâtir ensemble notre beau pays, le Congo. Nous comprenons qu’il est difficile à un homme de se défaire si rapidement d’un faisceau de mauvaises habitudes contractées sous le régime passé, habitudes devenues, comme on dit : « une seconde nature », mais notre salut est à ce prix. L’amour du travail, d’un travail bien fait, la lutte sans merci contre la paresse et la corruption sont les conditions nécessaires d’un vrai succès.

11. La Parole de Dieu nous enseigne que les paresseux sont nuisibles à la société. Le sage Salomon nous invite à observer les fourmis, en ces termes : « va vers la fourmi, paresseux, considère ses voies et deviens sage. Elle n’a ni chef, ni inspecteur, ni maître. Elle prépare en été sa nourriture, elle amasse pendant la moisson de quoi manger. Paresseux, jusqu’à quand seras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? » (Pr 6,6-9).

12. Les capitaux pour construire notre pays se bousculeront à la porte si seulement la leçon que nous donne la fourmi est appliquée dans la lettre et dans l’esprit. Il nous faut parfois peu de choses pour être heureux. Par exemple la propreté dans et autour de notre parcelle nous procure un sentiment de bien-être.

A un moment de notre histoire, le bénévolat était entré dans les mœurs et fut une source de grandes réalisations au Congo : construction des ponts, d’écoles, de dispensaires, de routes, etc. Le bénévolat va de pair avec le civisme dont les manifestations les plus évidentes sont la protection du patrimoine national, le respect de la loi en général et le respect de l’autre en particulier. La Démocratie est porteuse de ces valeurs. C’est pour cela qu’ensemble nous devons nous mobiliser pour sa réussite dans notre cher Congo.

b. Sur le plan moral et spirituel

13. Si le travail est une donnée économique, il est d’abord et avant tout l’expression d’une réalité morale et spirituelle en tant qu’ordre divin : « l’Éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder » (Gn 2,15). Dès lors la construction de notre pays doit faire référence à Dieu et aux vertus que nous enseigne sa Parole.

Nous devons reconstruire le Congo au double plan : moral et spirituel. Les dix commandements (ou la loi de Dieu) ont pour nous, selon l’Apôtre Paul, valeur pédagogique pour nous élever à la stature parfaite du Christ. Le chrétien a, non seulement le devoir d’observer la loi de Dieu, mais d’apprendre aux autres à faire autant. En bafouant la loi de Dieu, le Congo a connu des années sombres dans son histoire.

14. Dans la situation actuelle de notre pays, notre vie en Christ doit faire de nous des hommes et des femmes qui, selon le psalmiste : « ne marchent pas selon le conseil des méchants, ne s’arrêtent pas sur la voie des pécheurs et ne s’assoient pas en compagnie des moqueurs, mais qui trouvent leur plaisir dans la loi de l’Éternel, et qui la méditent jour et nuit » (Ps 1,1 -2).

III. Préparons-nous à traverser le Jourdain.

15. La traversée du Jourdain fut la dernière étape historique du long voyage des enfants d’Israël avant d’entrer dans la terre promise. Le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo veut partager avec vous leur ferme conviction selon laquelle notre Dieu qui nous a fait traverser la mer rouge, (la Conférence Nationale Souveraine), nous fera passer le Jourdain, afin de prendre possession du Congo nouveau où coulera pour tous ses enfants, sans distinction de région ni de tribu, le Lait et le Miel.

16. Le sport, très apprécié par notre peuple, peut sans doute inspirer et alimenter notre détermination à entrer dans le Congo nouveau. En effet, dans une course de fond, le maillot jaune (celui qui est en tête) peut être dépassé et disqualifié s’il venait à tomber à seulement quelques mètres de la ligne d’arrivée. A un mois et demi de la fin de la transition, voulons-nous être disqualifiés ?

Il importe donc que le Peuple de Dieu se mobilise aujourd’hui plus qu’hier, avec ferveur et humilité, dans la prière, afin que, comme dit le Seigneur Jésus « vous ne tombiez pas en tentation » du découragement suscité et entretenu par ceux qui veulent mettre en péril la fin de la transition. Ceux-là, comme on le sait, ont de multiples projets et tactiques pour atteindre leurs objectifs lugubres.

IV. Des élections pour sceller l’unité nationale.

17. Le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo voudrait faire observer que la Démocratie a permis à notre peuple de découvrir parmi ses fils et filles des compétences techniques et des talents politiques de toutes régions et tribus qui vont assurer l’émergence de notre pays dans tous les domaines et le propulser sur la scène internationale. Ces talents et cadres sont une richesse de la Nation tout entière.

18. Depuis la Conférence Nationale Souveraine, le Congo a opté de façon irréversible pour un pouvoir issu des urnes. Le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo se réjouit de ce que les urnes deviennent une réalité palpable. Cependant il fait remarquer qu’en Démocratie comme en compétitions sportives, il y a toujours des gagnants et des perdants. Selon les règles internationales du sport, les perdants ne peuvent jamais faire chorus pour attaquer les gagnants, les accusant d’être responsables de leurs malheurs.

L’exemple du football nous parait plus significatif dans le cadre de notre propos. En effet sur le terrain de la compétition, l’équipe qui gagne et celle qui perd s’échangent des maillots et se serrent la main en signe d’amitié. Ainsi devrait-il en être de même en Démocratie au Congo. Que demain les élus et les perdants se donnent une accolade, en signe de fraternité et comme un témoignage d’engagement à bâtir ensemble le Congo nouveau, en oubliant tout ce qui nous divise.

19. Le Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo espère vivement que les institutions de la transition, à savoir, la Présidence de la République, le Conseil Supérieur de la République et le Gouvernement, mettront tout en œuvre pour amener notre peuple à respecter les règles de fair-play démocratique. Il souhaite aussi que les leaders politiques et les responsables d’associations nationales attirent l’attention de leurs militants sur l’observance, dans notre pays, des mêmes règles démocratiques.

20. Les chrétiens et les hommes de bonne volonté, en ce qui les concerne, doivent être les premiers à prêcher autour d’eux, amour et tolérance, socle de l’unité nationale. C’est avec cet espoir, voire cette assurance que nous vous saluons au nom de notre Seigneur Jésus Christ. Que la paix soit avec vous !

Brazzaville, le 13 juin 1992

 

Pour l’Église Catholique :
Mgr. Barthélémy BATANTU,
Archevêque de Brazzaville Président de la Conférence Épiscopale du Congo.

Pour l’Armée du Salut :
Colonel Daniel BABINGUI,
Chef de l’Armée du Salut en République du Congo.

Pour l’Église Évangélique du Congo :
Pasteur Alphonse MBAMA,
Président de l’Église Évangélique du Congo,
Président en exercice du Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo.

Pour l’Église Kimbanquiste :
Pasteur Paul SAMBA, Représentant Légal,
2ème Suppléant.

 

 


 
Haut de page