CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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MESSE DE CLÔTURE DE L’ANNÉE DU CARDINAL (2007-2008)

mercredi 15 juillet 2020

PAROLES D’ÉVÊQUE N° 25
36ÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CEC
DU 31 MARS AU 06 AVRIL 2008, À BRAZZAVILLE.

Cardinal Émile BIAYENDA

Homélie prononcée par Mgr. Louis PORTELLA-MBUYU,
Évêque de Kinkala, Président de la CEC

Frères et Sœurs,

L’itinéraire spirituel des disciples d’Emmaüs peut être considéré comme un itinéraire-type dans l’expérience des certains bouleversements que nous vivons. Nous pouvons passer par des moments de doute, d’angoisse, de découragement même ; bref... des moments où la vie perd ses repères, où la vie n’a plus de sens. Une telle expérience douloureuse nous arrive souvent à la suite de la perte d’une présence sur laquelle notre existence prenait appui. Il peut s’agir d’un être cher, il peut s’agir aussi d’une situation que nous estimons susceptible de garantir notre vie.

Mais, il y a aussi un moment de découverte ou de redécouverte d’une présence nouvelle et, partant, d’une lumière qui vient dissiper les nuages de nos incertitudes, pour faire place à un certain apaisement, à une certaine assurance et même à une certaine joie, et ce, grâce à une parole lue ou entendue, grâce à un geste d’amitié, bref... dans ce domaine, les circonstances sont infiniment variées, à la mesure de la créativité de l’Esprit qui souffle où il veut et quand il veut (Cf. Jn3, 8).

Les disciples d’Emmaüs ont vécu intensément une telle expérience. Les voilà qui laissent Jérusalem pour repartir chez eux. Leur compagnie avec le Christ leur avait ouvert des horizons exaltants, étant donné le message extraordinaire qu’ils avaient entendu et accueilli, et les signes qu’ils avaient vus s’accomplir. Mais la passion et la mort de leur Maître ont tout remis en cause. Était-ce possible, en effet, qu’un homme qui n’avait fait que le bien toute sa vie puisse aboutir à un tel échec ? Ils avaient espéré, comme le dit l’Évangile, qu’il allait apporter la délivrance d’Israël. C’est donc pour eux un retour plein de tristesse à leur vie antérieure, avec tout ce que cela suppose de renfermement dans un univers bien limité, peu susceptible d’offrir des raisons de vivre valables.

Et voilà que sur la route ils font l’expérience d’une présence qui les bouleverse. Et c’est tout leur regard sur la vie de leur Maître qui est transformé. Celui-ci, en effet, leur fait découvrir qu’il est vivant et leur fait comprendre la signification de sa mort. Oui, ils ont découvert que la puissance de vie qui s’est manifestée pendant le ministère public de Jésus, leur Maître, à travers ses paroles et ses miracles, ne pouvait pas être submergée par la puissance de la mort. Comme le déclare Pierre dans ce passage que nous avons entendu dans la première lecture : « il n’était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir. » (Ac 2, 24). Désormais, leur vie va s’en trouver bouleversée, et comme refondée sur la certitude que la vie est plus forte que la mort, que l’amour vécu jusqu’à l’extrême est la manifestation par excellence de la vie. Les disciples ont dû certainement mieux comprendre la Parole adressée par Jésus à Marthe, à savoir : « Celui qui croit en moi, même s ’il meurt, vivra » (Jn 11,25).

Comme les autres apôtres, ils ont certainement fait une relecture de ce qu’ils avaient vu et entendu. Ils se sont certainement souvenus de cette affirmation de Jésus concernant le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis pour qu’elles aient la vie en abondance, et qui la donne pour la reprendre (Cf. Jn10, 15.17). N’avons-nous pas, nous aussi, revécu cette expérience, des disciples d’Emmaüs ?

Pour la plupart d’entre nous, en effet, la mort du Cardinal Émile BIAYENDA a certes provoqué la tristesse, le désespoir, le découragement. Mais progressivement, la conviction est née et s’est développée que l’amour vécu jusqu’au bout par Notre Cher Cardinal a été pour lui le chemin d’épanouissement de sa vie. C’est en aimant et en pardonnant qu’il est mort. Et cet amour est devenu source de vie. Désormais notre attention doit être polarisée par le message qu’il nous adresse à travers la signification de sa mort.

En célébrant le 31ème Anniversaire de sa mort, c’est la vie que nous voulons célébrer, c’est la victoire de la vie sur la mort, c’est la victoire de l’amour sur la haine, c’est la victoire de la réconciliation sur la rancune, c’est la victoire de l’unité sur la division, c’est la victoire du service désintéressé sur le chacun pour soi, c’est la victoire du partage et de la solidarité sur l’égoïsme que nous célébrons.

Contrairement à certains messages alarmants et inauthentiques, les différents messages que le Vénéré Cardinal continue de nous adresser de diverses manières convergent tous vers cet appel à dépasser tous nos clivages pour construire une véritable Famille Nationale, où les uns et les autres, en fonction des responsabilités respectives, travaillent de manière active et même passionnée à la promotion du bien commun. Le meilleur témoignage que nous devrions porter à la fécondité de sa mort, c’est bel et bien cette conversion permanente à une vie pour les autres.

Nous sommes tous confrontés à une tentation permanente, celle de nous laisser entraîner sur la pente glissante de la recherche effrénée de l’avoir, du pouvoir et du valoir. C’est ce que Saint Pierre, dans la deuxième lecture de cette célébration appelle la vie sans but (Cf. 1P1, 18). En effet, la véritable vocation de l’homme créé à l’image de Dieu qui est Amour, est d’aimer et d’être aimé. Et une vie qui n’est pas orientée dans cette dynamique essentielle de l’amour est une vie ratée, quelles qu’en soient les apparences, une vie qui court inévitablement le risque d’être destructrice pour les autres à petite ou à grande échelle. Et les tristes exemples dans notre expérience quotidienne sont nombreux.

C’est pour quoi, la figure de Notre Cher Cardinal Émile BIAYENDA doit être pour nous tous, fils et filles du Congo, comme un appel vivant à nous dépasser de tous les points cardinaux de notre pays, pour que nous puissions nourrir le sentiment d’être membre d’une seule et même famille avec tout ce que cela implique d’accueil et de respect réciproque de solidarité et d’engagement, et pour que tous nous soyons heureux de vivre ensemble.

Que sa mémoire nous interpelle : qu’avons-nous fait de notre pays ? Pouvons-nous en toute honnêteté dire que nous sommes heureux d’être Congolais aujourd’hui ? N’y a-t-il pas un examen de conscience à faire, personnel et collectif, pour que chacun de nous et tous ensemble nous puissions prendre la mesure de notre responsabilité, à des degrés divers, face à cette situation dramatique dans laquelle vivent beaucoup de nos frères et sœurs de toutes les régions. Cependant, une telle situation ne peut et ne doit pas être une fatalité.

En effet, notre foi en Christ ressuscité nous donne la conviction que la capacité nous ait donnée de vivre autrement, d’être plus juste, d’être plus au service des autres, d’être plus préoccupé du bien commun et, partant du bienêtre de tous sans exception. Oui, chers frères et sœurs, c’est une heureuse coïncidence que de célébrer l’Année du Cardinal pendant ce temps de Pâques.

Chantons donc Alléluia et crions de toute la force de notre foi que Christ est vivant parce qu’il a aimé jusqu’à l’extrême, et que le Cardinal lui-aussi est vivant parce qu’il a aimé jusqu’au bout, et que nous aussi nous sommes des vivants dans la mesure où nous aimons. Comme nous le dit Saint Jean : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie lorsque nous aimons. » (1Jn 3,14).

Puisse la puissance du Christ ressuscité dissiper les ténèbres d’Égoïsme, de la haine et de l’orgueil qui obscurcissent nos vies et ouvrir pour notre pays un avenir radieux où chaque membre de la famille congolaise jouira du droit d’être heureux, où, pour reprendre cette belle expression de l’Apocalypse : « il n’y aura plus de pleur, de cri et de peine, (...), car l’ancien monde s’en est allé. » (Ap.21, 4-5).

Amen.

 

 


 
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