CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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EUCHARISTIE ET PLÉNITUDE DE VIE

vendredi 5 juin 2020

1983 ANNÉE CENTENAIRE DE L’ÉVANGÉLISATION

COMMENT L’EUCHARISTIE PEUT-ELLE COMBLER LES ASPIRATIONS DE L’HOMME AFRICAIN EN QUÊTE DE VIE ?

INTRODUCTION

Dans le concert général des recherches entreprises dans les Églises d’Afrique, en vue d’un véritable dialogue de salut entre le christianisme et la Culture Africaine, convient de nous poser la question de l’apport de l’Eucharistie à l’homme africain.

L’Eucharistie est, en effet, le sommet de la vie chrétienne et le centre de la vie ecclésiale. Elle est, au sein du Sacrement de Salut qu’est l’Église, le sacrement par excellence : la présence sous forme de signe du Christ Lui-même en acte d’offrande à son Père, pour le salut du monde, pour le don de la vie au monde, en abondance.

Le destinataire dont il s’agit ici, et nous insistons, c’est l’homme africain ; et cela n’est pas indifférent car, en Afrique, l’africanité doit être considérée, selon l’expression de l’Abbé BIM WENY-KWESHI comme « un des pôles fondamentaux du procès de révélation en tant que procès de communication » ; l’autre pôle étant, ce a va sans dire, Dieu se révélant et se donnant dans son Fils Jésus, par l’Esprit. Ce sont là, poursuit-il, « deux pôles essentiels et constitutifs, qui ne peuvent se dévorer l’un et l’autre sans biffer, du même coup, la réalité du message, sans annuler la communication » [1].

La démarche attendue consistera, non seulement à tenir compte de l’expérience humaine de l’Africain, mais surtout à la prendre comme point de départ. C’est, en effet, cette expérience particulière qui, dans l’espace culturel africain, constitue désormais, pourrait-on dire, cette « chair » que le Verbe doit prendre et devenir.

Dans ces quelques lignes, nous chercherons à esquisser, à grands traits, ce qu caractérise l’homme africain dans sa dynamique profonde et originelle ; non sans nous interroger sur l’actualité des déterminations que nous relèverons, car beaucoup d’événements de l’Histoire sont venus comme les remettre en cause, ... mais dans quelle mesure ? Jusqu’à quel niveau ? ... C’est donc en fonction de cette expérience que nous verrons ce que l’Eucharistie a de spécifique, les richesses qu’elle offre à l’Africain croyant.

I. ESQUISSE ANTHROPOLOGIE NÉGRO-AFRICAINE.

«  L’homme est un ordre, un ordre dans un ordre . » nous dit BUAKASA [2]

A. - Structure interne

Oui, « l’homme est un ordre » ; il est un centre d’unité de plusieurs éléments, de plusieurs composantes : il y a des éléments matériels et donc visibles comme le corps (nitu) ; il y a des éléments immatériels comme ce qu’en français on traduit par le mot « âme » (ki lunzi), comme aussi le souffle vital (môgno, môyo) ; il y a le double ; il y a l’élément qui est l’expression de la personne comme centre de volition et d’affection : ntima (c’est « ntima » qui aime, c’est « ntima » qui déteste, c’est « ntima » qui veut et décide)...

Bref, cette liste qui n’est pas exhaustive, nous fait entrevoir la richesse des multiples aspects que l’Africain découvre en lui-même et avec lesquels il doit compter pour vivre. Ces différents éléments forment une unité précaire, un équilibre instable, ce qui nécessite une lutte perpétuelle contre la disharmonie intérieure toujours menaçante. Et une des tâches de l’homme est, justement, de veiller à cette unité, de telle sorte qu’il en résulte pour lui un « plus-être ».

B. - Place de l’homme dans le monde

L’homme est aussi « un ordre dans un ordre ». Il se situe dans une constellation de relations dont il est le pôle nécessaire. Nous pouvons distinguer trois sortes de relations, qui constituent autant de dimensions de la personnalité négro-africaine :

La dimension sociale, par laquelle l’homme se conçoit comme rapport à la société. Il y a, d’une part, le rapport à la société des vivants : membres du lignage, du clan, du village, de l’ethnie ou de la nation, des différents groupes à caractère économique ou religieux (exemple : les confréries etc.). Il y a, d’autre part, le rapport à la société des morts : aux ancêtres (bakulu). Ceux-ci sont des membres défunts du lignage qui sont devenus, par la mort et compte tenu de leur vie antérieure, des forces invisibles, capables de favoriser (protection, aide, inspiration...) ou de défavoriser (échec, maladie) les entreprises de leurs descendants. Ils sont le fondement de l’ordre social, et les garants de sa légitimation.

Entre les deux pôles de cette relation (l’africain et sa société), est tissé un lien d’appartenance réciproque : « la personne humaine, dit BUAKASA, liée aux autres, avec les autres de sa société, l’est, à la fois, comme propriétaire et propriété des autres ; elle est - homme d’autrui - (muntu ngana), dans le sens de celui qui possède et que possède autrui, la société » [3]. De fait la société intègre l’individu et prend en charge tous les aspects, tous les moments, surtout les moments critiques de son existence. Mais, d’autre part, comme nous le soulignerons ultérieurement, l’individu, à partir d’un certain stade de sa vie, et à la mesure du rang social qu’il occupe, doit prendre part à la sauvegarde de sa société.

La dimension cosmique, c’est celle par laquelle l’homme se sait en rapport avec Dieu (Nzambi), origine et source de tout : source de l’ordre social comme de l’ordre cosmique. Fondement de tout, il est aussi le dernier recours dans toutes es circonstances de la vie ; c’est ce qui explique la floraison abondante de prières adressées à Dieu, dans toutes les traditions africaines. Cependant, Dieu demeure l’inaccessible, et il faudra la nouveauté de l’Évangile pour nous faire découvrir sa proximité.

Dans le théâtre de la vie, Dieu semble laisser libre cours aux différents acteur sociaux et cosmiques. Chaque pôle se présente comme un foyer de forces doué de vie, d’initiative. C’est pourquoi l’équilibre qui doit s’établir entre eux et l’homme est un équilibre incertain. C’est le côté dramatique de la vie pour l’Africain. Toujours est-il que, dans ce réseau complexe de relations, la place de l’homme est centrale : il est la valeur fondamentale. Tout est considéré en fonction de l’épanouissement, du renforcement de son être. Il y a lieu de parler ici d’une vision anthropocentrique du monde.

C. Idéal de l’homme africain

Quelle est donc l’aspiration fondamentale de l’Africain ? Que vise - t-il à travers les multiples démarches de sa vie ? Confronté à l’équilibre instable des différents éléments qui le structurent intérieurement, et faisant l’expérience de l’accord plus ou moins certain des forces sociales, et cosmiques avec lesquelles il est en relation l’homme africain vérifie ainsi sa vulnérabilité, son inachèvement. D’où cette soif, jamais assouvie d’accroître sa force vitale, de la renforcer, de la mettre à l’abri de toutes les forces dissolvantes, de s’allier à toutes les forces qui la conditionnent. Oui l’idéal de l’homme africain « pourrait, dit MUJYNA NIMISI, se résumer en ces quelques mots : demeurer ici-bas, même après la mort, une force vitale intense et active » ; c’est-à-dire développer sa force vitale pour être en mesure ; à son tour, de promouvoir la force vitale des siens.

Une expérience bien typique peut éclairer et confirmer ces affirmations : l’initiation Celle-ci, bien loin d’être une simple éducation civique, un simple rite de passage révèle une structure métaphysique bien profonde. En effet, le jeune homme, en subissant les épreuves programmées pour la circonstance, vit, comme en résumé en concentré, tous les moments critiques où la vie est menacée et qu’il aura à affronter durant son existence ; il apprend à mourir pour retrouver la vraie vie ; grâce à l’ascèse qui lui est imposée, il s’exerce à un effort de dépassement de soi, afin de faire triompher en lui la vie sur la mort, l’équilibre intérieur sur le déséquilibre. Dans l’initiation, nous dit MVENG, « l’homme se découvre non comme le jouet d’un déterminisme aveugle, mais comme une destinée, un projet en perpétuel accomplissement, qui se construit lui-même et se conquiert à l’existence, projet du triomphe en lui de la vie sur la mort » .

Il résulte de cette expérience qui, malheureusement, disparaît sans laisser d’équivalent moderne, un sens de la responsabilité, vis-à-vis de soi-même, et vis-à-vis des siens, et ce, grâce d’une part, à la lutte sur soi-même et, d’autre part, à un jeu subtil de soumission et d’accord avec les forces de l’environnement social et cosmique.

« L‘homme, dit encore MVENG, est responsable de l’état général de toute la création. Chacun de ses gestes se répercute dans l’immense réseau de tout ce qui existe. Sa vocation propre, en tant que champion de la vie est de sauvegarder l’intégrité et la cohésion de cet immense réseau » [4] .

L’image parlant de la réalisation d’une telle vocation c’est l’ancêtre bienheureux qu’on aime invoquer et qui fait l’admiration de tous : c’est celui qui, durant sa vie, a atteint un certain degré élevé de puissance vitale, le rendant capable d’être facteur de vie pour les autres : il a transmis la vie en ayant eu beaucoup d’enfants, il a nourri, entretenu et élevé beaucoup de descendants, il les a protégés, a contribué à leur épanouissement social, bref, il a beaucoup donné et il s’est beaucoup donné.

Voilà, je crois, ce à quoi aspire un Africain digne de ce nom ; voilà ce à quoi le préparait l’initiation, que MVENG compare à « l’adoubement du chevalier qu’attendent les grandes aventures » [5].

D. Actualité de ces valeurs africaines

Nous sommes en droit de nous poser la question de la pertinence de ce bref discours sur l’homme africain, compte tenu de l’histoire que nous vivons. Personne n’ignore les chocs violents et traumatisants que l’Afrique a subis, la crise profonde qu’elle traverse, crise qui fait l’objet de tant de diagnostics si souvent contradictoires, et qui nous amène à nous interroger sur la possibilité de sa survie, en tant que peuple doué d’initiative historique. Deux événements majeurs ont marqué négativement cette histoire africaine :

  • L’esclavage, qui a provoqué une véritable saignée démographique par le drainage, vers d’autres espaces, des fractions les plus dynamiques de la population, avec, comme corollaire, la dévitalisation, partielle au moins, de tout le système socioculturel ;
  • La colonisation, avec ce que cela suppose de dépossession, d’aliénation.

Ce serait injuste d’évoquer ce tableau sinistre, sans souligner, ce temps postcolonial où les africains eux-mêmes sont censés mener les destinées de leurs pays, mais qui, souvent, ne réalisent pas l’enjeu de la situation présente et donnent l’impression de jouer une farce dont ils ne devinent pas le moins du monde l’issue tragique, du moins si les choses continuent ainsi.

Nous faisons nôtre ce constat lucide de BUAKASA : « Bref, l’Afrique contemporaine est un monde radicalement nouveau qui, sous tous les regards, se présente comme la négation de l’ordre séculaire. En ce sens, elle a été émasculée, brisée dans son élan propre, accaparée dans la conduite de son existence, désemparée devant la vie puisque coupée de ses générations antérieures, coupée de sa nature, coupée de tout » [6].

Ce constat a amené beaucoup de penseurs à décréter la mort définitive de la Tradition Africaine, et à engager résolument et totalement l’Africain dans la modernité occidentale, la seule d’ailleurs qui a pignon sur rue dans ce monde. C’est faire fi de la ténacité de certains phénomènes culturels ; c’est oublier que la transformation « affecte de manière variable les diverses instances de la société, provoquant des inégalités sectorielles en matière de changement d’intense et de rapidité des changements » (BALANDIER) [7] .

En effet, si à certains niveaux, des changements se sont manifestés, à d’autres niveaux, ceux où se situe la culture profonde, niveau de ce que BIMWENYI appelle les significations majeurs, niveau du « caractère de base », l’évolution se fait plus lentement. Aussi pouvons-nous dire que l’Africain qui va à la rencontre du Christ présent dans l’Eucharistie, aujourd’hui encore, c’est cet être en quête de vie « vœu de plénitude », mais qui est, plus particulièrement dans cette période de l’histoire menacée par de multiples forces de mort, de dissolution, de désagrégation. Qu’est- ce que cette rencontre peut-elle lui apporter et à quelle condition peut-il en bénéficier ?

II. L’EUCHARISTIE

Rencontre avec le Maître delà Vie : « Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10).

A. Eucharistie : Mémorial du Sacrifice Pascal du Christ.

Tout d’abord, l’Eucharistie se présente à nous comme une action symbolique où la communauté ecclésiale fait mémoire du Christ qui se rend présent dans son attitude permanente d’offrande à Dieu son Père, attitude dont le point culminant et l’expression la plus forte et la plus décisive ont été le Sacrifice de la Croix, l’événement de la Mort et de la Résurrection. En célébrant ce mémorial, l’Église célèbre, par le fait même, le passage de la mort à la vie, la victoire de la vie sur la mort.

Comme nous le dit Saint Paul : « ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n’a plus d’empire » (Rom 6,9). Ainsi donc, par sa Mort et sa Résurrection, Christ est confirmé Maître de la vie. Il faut souligner ici, en passant, que parler de mémorial n’est pas réduire l’Eucharistie à un simple souvenir ; il s’agit réellement d’une présence actuelle. L’événement dont on fait mémoire et pour lequel on rend grâces à Dieu a certes eu lieu à un moment de l’histoire mais, nous dit LIÈGE : « il n’y est pas enfoui, de toutes parts il le dépasse. C’est un événement qui a en lui- même une continuité, une actualisation permanente » [8] .

B. Eucharistie : Communion au Sacrifice Pascal du Christ.

« La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? » (1 Cor : 10 : 16).

Pour Paul, manger le pain et boire le vin c’est communier au corps et au sang du Christ, c’est-à-dire, communier à son sacrifice pascal, c’est participer à sa mort et à sa résurrection, c’est du coup, devenir nous aussi des ressuscités.

En effet, le Sacrifice du Christ doit être considéré, dans l’économie du Salut, comme le point de départ d’une histoire nouvelle dans laquelle est entraînée toute l’Humanité ; d’où les termes de « prémices » (1 Co 15 : 20), de « premier-né » (Col 1 : 18) que Saint Paul attribue au Christ.

Jean, dans le discours sur le « pain de vie », nous montre que le Christ est porteur d’une vie qu’aucune force de mort ne peut atteindre : la vie éternelle, et que celui qui mange sa chair et boit son sang s’incorpore cette « puissance vitale » divine, qui le rend, à son tour vainqueur de la mort : « tel est le pain descendu du ciel, celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité » (Jn 6,50).

Oui, par l’Eucharistie, l’homme et l’univers deviennent un monde travaillé par l’énergie du Ressuscité ; par l’Eucharistie, le Seigneur a placé dans notre histoire une « puissance de vie », un principe actif de transfiguration de toutes choses. Communier au Corps du Christ, par l’effusion en nous de son Esprit.

C. L’homme Africain et l’Eucharistie

L’Africain, au même titre que ses frères est, lui aussi, invité à la table du festin eucharistique, pour venir se rassasier du « pain de vie », et s’enivrer du « vin du Royaume éternel ». Il est invité à être saturé par la vie, par l’énergie puissante et débordante du Ressuscité. Mais cette rencontre, si gratifiante, ne peut être effective qu’au prix d’un renouvellement de son regard, d’un dépassement de son horizon limité, et d’une structuration nouvelle du réseau de relations dont il est le centre. Et je voudrais ici signaler quelques points qui mériteraient d’être plus approfondis.

- La vie apportée par le Christ n’est pas seulement une simple croissance de la vie telle que nous pouvons l’envisager sur le plan humain : c’est la vie même de Dieu, la vie de celui qui est la source de la vie, vie qui n’est reçue et développée en nous que par l’accueil de la foi et à la mesure de la mort à soi qu’exige l’amour absolu de Dieu et des frères.

« Qui perd sa vie, à cause de moi, la gagnera ». N’est-ce pas d’ailleurs par cette démarche que le Christ a fait briller la vie ? Cette nouveauté évangélique, il faut l’avouer, peut être lointainement perçue par les consciences africaines les plus lucides, ne va pas de soi : elle exige une conversion.

- Cette conversion doit aussi faire éclater les limites de l’espace que la tradition africaine a assignée à la Responsabilisation de chacun. Ce ne sont plus seulement les membres du lignage, ou du clan, ou du village etc... c’est tout homme, quel qu’il soit, à quelque groupe qu’il appartienne, qui devient le prochain, et pour lequel il faut être prêt à donner sa vie.

- Ce sens nouveau de la Responsabilité va de pair avec le nouveau statut que l’homme africain acquiert dans le réseau qui le lie aux instances sociales et cosmiques. En communiant au Christ mort et ressuscité, l’homme participe à la seigneurie du Christ. Désormais il a autorité sur les puissances de l’univers, puisque le Christ les a soumises : « il a dépouillé, dit Saint Paul, les Autorités et les Pouvoirs, il les a publiquement livrés en spectacle, H les a traînés dans le cortège triomphal de la Croix ». (Col 2,15).

Il y a là, je crois, source féconde de liberté : les génies, les esprits, les puissances cosmiques, ne seront plus des forces que l’Africain doit craindre, auxquelles il doit se soumettre et dont il doit dépendre, en sollicitant continuellement leur accord, mais ils seront des forces sur lesquelles il a autorité, et dont il doit disposer pour le bien de l’Humanité ; et ce, en vertu de sa participation, par la foi, au mystère de la Résurrection, participation symbolisée en même temps que réalisée dans le sacrement de l’Eucharistie.

Dans sa quête de vie, dans sa lutte pour le triomphe de la vie, sa préoccupation ne sera d’abord de rechercher des alliés pour sa cause au niveau des forces sociales et cosmiques, mais d’appartenir, par la foi, au Christ, d’être associé à sa Plénitude (Col 2,9), afin d’être en mesure de vivre autrement, de manière libératrice, les mêmes relations.

CONCLUSION

Eucharistie, une tâche pour l’Africain d’aujourd’hui.

Pour conclure, je voudrais évoquer deux problèmes qui se posent à la conscience chrétienne africaine :

Le premier, sur lequel je n’insisterai pas, mais qui a son importance, car il est lié à la dimension anthropologique de l’Eucharistie, est celui de la prise en compte de la symbolique, de la sensibilité religieuse et de la vision du monde de l’Africain, pour l’élaboration de la liturgie de l’Eucharistie. C’est un impératif, c’est un droit, c’est un devoir. Aussi des recherches sont-elles courageusement menées ici et là.

Le deuxième est celui qui concerne l’avenir de l’homme africain, en tant que porteur d’une culture spécifique mais fortement perturbée. Il faut affirmer que la culture africaine est menacée, sinon de mort, du moins de folklorisation, dans la mesure où les fils d’Afrique, habitués depuis plusieurs décennies à la démission et à l’irresponsabilité, n’auront pas assez de ressort et de force vitale, pour faire émerger, d’une manière consciente et judicieuse, une nouvelle civilisation africaine.

Tout organisme, menacé dans son équilibre, se mobilise pour assurer sa survie. Ainsi l’Afrique est mise en demeure de se lancer dans un effort de reprise créatrice d’elle-même. N’est - ce pas aussi la tâche de ceux qui ont eu la grâce de la rencontre avec le Christ, Maître et donneur de vie, et qui, de ce fait, ont reçu et reçoivent l’énergie christique les rendant capables de défier les puissances de la mort et de faire resurgir la vie ? Or il s’agit ici, ni plus ni moins, de faire revivre un peuple, de faire revivre une culture... « Et la Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ».

Je vous livre, pour terminer, cette petite phrase d’un modeste théologien : « c’est peut être cela l’Eucharistie : un goût à la vie, une passion de la vie »... Et j’ajouterai,... une Victoire de la vie, une effusion débordante de la vie !

 

 


[1BIMWENYI-KWESHI, Discours théologique négro-africain, Présence Africaine, 1981, Page 386.

[2BUAKASA TULU KIA MPANSU, L’impact de la Religion africaine sur l’Afrique d’aujourd’hui : latence et patience, dans Religions africaines et Christianisme CRA n°23-24, Kinshasa, 1978. Page 23.

[3BUAKASA TULU KIA MPANSU, Le projet des rites de réconciliation, dans Péché, Pénitence et réconciliation. 9ème Séminaire théologique de Kinshasa 1980. Page 98.

[4MVENG Engelbert « Essai d’anthropologie négro-africaine » B.T.A n°2 (Juillet-Décembre 1978). Page 234.

[5MVENG Engelbert « Essai d’anthropologie négro-africaine » B.T.A n°2 (Juillet-Décembre 1978). Page 234.

[6BUAKASA, L’impact de la religion africaine sur l’Afrique d’aujourd’hui (...), Pages 28-29.

[7BALANDIER, G. Sociologie des mutations, Paris Ed. Anthropos. 1970 p. 23.

[8LIÈGE, Pierre - André. Pour mieux comprendre l’Eucharistie. Coll. Foi Vivante 202 Paris - Cerf, 1981. p. 39.


 
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