CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


Accueil > PUBLICATIONS > ACTES-ÉPISCOPAT DE LA CEC > 2002 > LETTRE DE TRANSMISSION AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE CHEF DE L’ÉTAT, CHEF DU (...)

LETTRE DE TRANSMISSION AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE CHEF DE L’ÉTAT, CHEF DU GOUVERNEMENT

samedi 6 juin 2020

Brazzaville, le 10 juin 2002.

N/Réf.001 /CEC/E V/02

Excellence Monsieur le Président,

Réunis en Session Extraordinaire, du 04 au 07 juin 2002 à Brazzaville, sur le thème « Le Pétrole et la Mission de l’Église au Congo », Nous, les Évêques, avons l’honneur d’adresser à votre haute bienveillance, nos propositions pour l’avenir.

Le Congo, notre pays, inaugure une nouvelle ère de son histoire. Après tant de violences et de souffrances imposées aux Congolaises et aux Congolais, ceux-ci viennent de marquer leur adhésion aux valeurs de Paix, de Justice et de Démocratie. Le procès des anciens dirigeants de notre pays, poursuivis pour avoir bradé le pétrole, continue de nous interpeller et nous a conduits à faire une réflexion, à tirer des conclusions pour l’avenir.

En 1991, grâce au courage politique que vous avez eu d’engager le processus démocratique dans le pays, la Conférence Nationale Souveraine a réfléchi sur la problématique de la gestion des revenus pétroliers. Elle a formé le vœu que les futurs dirigeants changent de politique, en matière d’exploitation et de gestion de cette richesse nationale.

Il a été question, par la suite, de « Contrat de partage de production » avantageux pour le pays. Hélas, l’actualité fait état, aujourd’hui, de certaines malversations. Au-delà de toutes les considérations, le pétrole congolais pose problème. Le peuple congolais ne sait pas grand-chose de ce que reçoit notre pays et cet or noir et encore moins sur la gestion des revenus.

Ce qu’il sait, c’est le prix du pétrole mesuré, non pas en barils ni en dollars, mais plutôt en souffrances, en misères, en guerres successives, en sang, en déplacements des populations, en exil, en chômage, en retard des salaires, en non-paiement des pensions...

Excellence Monsieur le Président de la République,

Vous venez une fois encore d’engager le pays dans la voie démocratique. La démocratie, à notre sens est le régime qui le mieux favorise le progrès des peuples : progrès au plan des libertés individuelles et collectives et au plan socio-économique.

Avec l’avènement de la Démocratie il y a dix ans, tous nous avions cru que nous mettions un terme à notre façon désastreuse de gérer les affaires publiques. Malheureusement, tous ces espoirs se sont évanouis. Les ressources pétrolières n’ont pas été gérées correctement par les gouvernements successifs de notre pays.

Le rapport d’information de l’Assemblée Nationale Française du 13 octobre 1999 sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et leur impact social et environnemental, prouve bien hélas combien nos gouvernements se sont laissé prendre au jeu mafieux des réseaux pétroliers internationaux.

Il nous faut trouver de nouvelles méthodes de gestion, des moyens de contrôle plus appropriés, afin que les futurs dirigeants ne soient plus exposés aux aléas de ces réseaux et que le pétrole cesse d’être un combustible pour la dette, la pauvreté et la mort. C’est ici l’occasion de signaler le rôle ambigu de notre Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), à laquelle les institutions financières internationales reprochent une gestion opaque. Il est souhaitable que les conclusions de l’audit de la Banque Mondiale sur la Société Nationale des Pétroles du Congo soient rendues publiques.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Notre pays est réputé riche « scandaleusement riche », disait le Président Marien NGOUABI. Malheureusement, cette richesse est mal redistribuée. Nous nous permettons de proposer à votre sagesse quelques suggestions, en vue d’une gestion transparente des ressources pétrolières :

- Que soit votée par le prochain Parlement une loi portant sur la gestion des revenus pétroliers. Cette loi fixerait les pourcentages de répartition pour l’État central et les régions, sans oublier les investissements et les infrastructures prioritaires. De même qu’elle prévoirait la publication régulière des ventes de la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) et de ses activités financières ;

- Que soit créé un comité de contrôle, de suivi et d’application de cette loi. À ce comité interministériel devraient être associés des représentants de l’Église et des autres composantes de la Société civile ;

- Que soit ouvert un compte dans une institution financière internationale pour les générations futures dont l’épargne ne serait disponible qu’après épuisement de la production pétrolière du pays. Dans ce cas d’espèce, l’exemple de la Norvège est éloquent ;

- Qu’au dialogue déjà ouvert entre l’État et les sociétés pétrolières sur l’épineuse question de la dette vis-à-vis de ces entreprises, que soient associées l’Église et les autres composantes de la Société civile. Le Tchad a pu s’engager dans un processus de ce genre. Nous sommes, pour notre part, convaincus que de tels mécanismes sont susceptibles de favoriser une véritable transparence.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Tout en vous remercions pour votre engagement en faveur de la paix et du développement de notre pays, nous vous prions de croire à l’expression de notre très haute considération.

Les Évêque du Congo

1. Mgr. Anatole MILANDOU, Archevêque de Brazzaville, Président de la CEC. ;
2. Mgr. Ernest KOMBO, Évêque d’Owando ;
3. Mgr. Hervé ITOUA, Évêque de Ouesso ;
4. Mgr. Jean-Claude MAKAYA, Évêque de Pointe-Noire ;
5. Mgr. Louis PORTELLA-MBUYU, nouvel Évêque de Kinkala ;
6. Mgr. Daniel MIZQNZO, nouvel Évêque de Nkayi ;
7. Révérend Père Jean GARDIN, Préfet Apostolique de la Likouala ;
8. Mgr. Bernard NSAYI, Évêque Émérite de Nkayi, Directeur National des OPM.

 


 
Haut de page