CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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LA FEMME DANS L’ÉGLISE ET DANS LA SOCIÉTÉ AU CONGO

samedi 6 juin 2020

PAROLES D’ÉVÊQUE N°17
30ÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE À BRAZZAVILLE, 29 MAI - 05 JUIN 2002

Frères et Sœurs, fidèles dans le Christ.

À vous grâce et paix de par Dieu, notre Père » (Col. 1, 1a)

«  Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie  » (Gn 2, 18)

1. « L’heure vient, l’heure est venue, où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la société une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteint jusqu’ici » (Vatican II « Message aux femmes », 8 décembre 1965). Fidèles et attentifs à cet appel des Pères conciliaires, les Évêques du Congo, au cours de leur 30ème Assemblée Plénière, font résonner la place incontournable de la femme dans l’Église et dans la société. Il convient de rappeler qu’avec l’ouverture démocratique dans notre pays, nous voyons poindre à l’horizon une culture de paix et de tranquillité.

Malheureusement le mal semble souvent prendre le dessus. Le dessein de Dieu se trouve ainsi détourné par l’homme. C’est pourquoi, la paix, dans notre pays, spécialement dans la région du Pool est plus qu’urgente. Aussi, « en ce moment où l’humanité connaît de si profondes mutations, les femmes, imprégnées de l’esprit de l’Évangile peuvent tant pour aider l’humanité à ne pas déchoir » (Vatican II, « Message aux femmes », 8 décembre 1965).

Chers Filles et Fils du Congo.

2. Au cours de notre session ordinaire, nous avons eu l’occasion d’écouter les témoignages de plusieurs femmes engagées pour la paix. La situation politique actuelle ne nous laisse pas indifférents, l’apport de la femme dans les actions à mener pour l’équilibre social est inestimable. Quels que soient les domaines politiques, économiques, l’implication de la femme ne doit pas être écartée. Depuis quelques temps, la paix est à nouveau menacée dans notre pays.

Nous reconnaissons la contribution des femmes chrétiennes pour le retour de la paix et de la sécurité. Nous les soutenons et les encourageons dans leurs efforts de recherche des solutions pouvant conduire au rétablissement d’une paix durable.

3. Notre histoire révèle qu’avant l’occupation coloniale, les rapports entre l’homme et la femme se fondaient sur le principe de la complémentarité. Ainsi donc, en raison de son âge avancé, de sa sagesse et de son implication dans la conduite des affaires, la femme congolaise pouvait être portée à la tête du lignage où elle exerçait la fonction de chef de famille. À partir de l’époque coloniale, l’espace politique congolais a toujours été dominé par l’homme ; cette influence a eu pour conséquence la marginalisation de la femme de la scène politique.

Avec les bouleversements sociopolitiques des années 80 et du début des années 90, marqués par la culture démocratique, la femme congolaise a espéré occuper une position meilleure dans les affaires publiques, même si sa représentativité n’est pas encore remarquable. Toutefois, l’implantation coloniale, à partir de la fin du 19è siècle, a bouleversé les structures sociopolitiques existant jusque-là.

4. Aujourd’hui, nous, vos Évêques, constatons avec vous que la situation de la femme congolaise n’a pas connu une nette progression. La Conférence régionale de Dakar, en novembre 1994, a souligné pour l’ensemble du continent que la femme est absente des sphères de prise des décisions.

Les statistiques, dans notre pays, illustrent ce constat : le Conseil National de Transition (Parlement de Transition), sur 75 conseillers, ne compte que 9 femmes. Le gouvernement de 1998 n’a que 2 femmes ministres sur 25 membres. En conséquence, le faible taux de représentativité de la femme constitue un frein au développement et un handicap majeur dans la lutte pour la promotion de la femme en politique.

Nous exhortons, à présent, la femme congolaise et la femme chrétienne tout particulièrement à faire entendre sa voix, à s’impliquer en toute responsabilité dans la gestion du bien commun, afin que le Congo retrouve une espérance nouvelle.

Aspect économique.

5. C’est dans le domaine économique que la femme a fait ses preuves. Depuis toujours, la femme a été à la base de l’économie de notre pays. Hier, c’est elle qui fournissait les produits alimentaires de première nécessité. Mais aujourd’hui, elle ne joue plus pleinement son rôle spécifique dans l’économie du pays.

En effet, sa contribution est limitée en raison de la combinaison des obstacles culturels, juridiques et politiques. Voilà pourquoi, il y a nécessité d’accélérer, dans notre pays, la mise en œuvre des actions visant à réduire la pauvreté, à travers l’élaboration des politiques et des programmes macro et micro économiques.

Signalons quelques priorités :

  • Augmenter la production et les revenus de la femme ;
  • Améliorer la situation socio-économique de la femme ;
  • Renforcer la capacité d’organisation et de gestion des activités des femmes.
  • Susciter et favoriser la formation dans le domaine de l’économie.

6. L’économie demeure une préoccupation constante pour sortir le Congo de la situation de pauvreté et de dépendance. Pour y parvenir, nous, vos évêques, suggérons les moyens que voici :

  • Encourager l’initiative privée et promouvoir les microcrédits en milieu féminin ;
  • Appuyer les groupements de femmes dans la création et la gestion des petites et moyennes entreprises de transformation et de commercialisation des produits ;
  • Fournir aux femmes démunies à la suite des crises sociopolitiques, des semences et outils de travail ;
  • Réhabiliter les infrastructures économiques et routières.
  • Encourager l’intégration régionale, en respectant le principe de libre circulation des personnes et des biens ;
  • Attribuer des marchés de l’État aux femmes opérateurs économiques,
  • Faciliter l’acquisition, par les femmes, des équipements et autres facteurs de production ;
  • Encourager les femmes à s’organiser en associations, groupements et coopératives ;
  • Former les femmes dans le domaine de la transformation locale des produits agricoles ;
  • Organiser des séminaires sur les techniques de gestion.

La Femme dans le mariage et la femme seule

7. Dans la société comme dans l’Église, nous devons reconnaître l’égalité entre l’homme et la femme, et accepter la différence qui existe entre les deux de par la création : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu II le créa, homme et femme II les créa » (Gn 1,27).

La complémentarité homme-femme dans le foyer est source de leur épanouissement qui est un des gages d’une vie conjugale stable. La vie et l’éducation réussie des enfants en sont le fruit. La sainte famille nous en donne l’exemple. « Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Luc 2,52).

8. Dans le mariage, la femme dispose des mêmes droits que l’homme. Mais, celui-ci, dans ses exigences, fait comme si la femme n’a le droit ni de se lasser, ni de se plaindre et réclame toujours davantage. Au lieu de jouir donc de ses droits, la femme est victime de beaucoup « de violences notamment conjugales » : refus de l’émancipation (refus de faire des études, d’exercer un métier), coups et blessures, humiliations, tortures physiques ou psychologiques, viol conjugal, etc. Ainsi, la femme est frustrée et ne décide de rien. Le déséquilibre qui s’ensuit frappe tous les membres du foyer.

9. À travers la maternité, Dieu a confié, de façon toute spéciale, l’être humain à la femme. Elle remplit un rôle de premier plan à travers la garde de la vie depuis sa conception. C’est pourquoi la femme enceinte doit être protégée des menaces physiques et psychologiques. Elle doit bénéficier de tous les soins sanitaires. Le rôle de la mère, dans le mariage, doit être revalorisé. N’est-elle pas celle qui, au quotidien, inculque la discipline, apprend le respect du père, l’amour des frères et des sœurs, transmet les valeurs de la société et les croyances ?

10. Le mariage est l’un des meilleurs cadeaux que Dieu a donné au genre humain. « Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair » (Mt. 19, 5). L’intimité sexuelle de l’homme et de la femme prend, de ce fait, un caractère sacré. Elle se réalise dans l’institution du mariage monogamique auquel l’Église donne une dimension sacramentelle.

11. En se conférant eux-mêmes le mariage, les époux entrent dans la grâce dont ils découvrent une nouvelle forme. Le mariage coutumier, civil et religieux doit retrouver les acquis positifs de la tradition sur les fiançailles. La situation de la femme seule et chef de famille est plus difficile que celle de la femme mariée. Elle est souvent exposée à des multiples dangers et tentations.

Les femmes seules font souvent partie des couches les plus pauvres de la société. L’État et l’Église ne doivent pas être indifférents à leur égard.

La Femme dans l’Église qui est au Congo

12. La femme a toujours eu une place importante dans l’Écriture : Miryam, la prophétesse (Ex 15,20) ; Débora, prophétesse et juge en Israël (Jg 4,4) ; Esther la reine, Judith, Ruth la moabite. Elle est aussi présente dans l’entourage de Jésus : Marie Magdala, Jeanne, Suzanne, etc (Le 8,1-3). C’est à elle qu’est faite la première annonce de sa Résurrection : Marie de Magdala (Jn 20,11). Elle en est la première missionnaire.

On la retrouve très active dans les premières communautés chrétiennes (Act. 5,1-11 ; 9,36-43). Et la Bienheureuse Vierge Marie « femme choisie entre toutes les femmes » nous est donnée comme modèle de foi et de vertu.

13. Aujourd’hui, l’engagement dynamique des femmes au sein de notre Église n’est plus à démontrer. Ce sont elles qui tiennent nos paroisses par leur disponibilité. D’aucuns pensent que ces engagements les détournent de leurs devoirs familiaux. Face à cet engagement de la femme dans l’Église, se pose de plus en plus le problème crucial de la formation.

Une fois formée, la femme peut prétendre à plus de responsabilités : accompagnement des vocations, soutien des prêtres, enseignement dans les différents instituts, que ce soit au niveau paroissial, diocésain ou sous régional.

14. En ce qui concerne sa dignité, ses droits et devoirs, il est important que la femme prenne conscience de son identité et de ses convictions personnelles. Célibataire, dans la vie consacrée comme dans le foyer, elle doit d’abord s’accepter comme femme, sortir des préjugés préétablis, assumer les problèmes qui sont les siens et vivre son charisme propre.

L’Église, en retour, se doit d’œuvrer pour la promotion de la femme et pour sa dignité (Cf. Ecclesia in Africa, 121). Elle doit lui assurer une formation permanente, l’orienter, l’employer dans ses différentes institutions. Bref, mettre ses compétences à profit.

Chers filles et fils du Congo

15. En définitive, c’est ensemble que nous avons à construire une Nation prospère. Dès aujourd’hui, bâtissons notre Église et notre Nation riche de potentialités, d’énergies, de créativité, qui ne cherchent qu’à s’exprimer.

- Femme congolaise implique-toi davantage dans la politique, lieu par excellence de la gestion du bien commun, ainsi que dans l’économie, facteur du développement et de la paix.

- Et toi, homme, favorise la promotion de la femme, ne sois pas un frein à l’épanouissement de ton épouse, ta sœur, ta fille.

16. Nous Évêques, réaffirmons résolument notre engagement à protéger la veuve et l’orphelin dans les conditions atroces imposées par les guerres.

Nous exprimons notre compassion particulière à l’endroit des femmes ayant perdu leur mari, leurs filles et fils dans des conditions atroces au cours des différents conflits qu’a connus notre pays.

Nous nous attelons à la promotion de la femme où qu’elle soit : en prison, au parlement, dans l’armée, au marché, au champ, à l’école, à l’hôpital, au couvent, au foyer, etc. Ensemble, l’Évangile du Christ nous appelle à espérer toujours.

Que la Vierge Marie, femme choisie par Dieu parmi toutes les femmes, soutienne nos élans de foi et paix.

Fait à Brazzaville, le 5 mai 2002.

LES ÉVÊQUES DU CONGO

1. Mgr. Anatole MILANDOU, Archevêque de Brazzaville, Président de la CEC. ;
2. Mgr. Ernest K0MB0, Leveque d’Owando ;
3. Mgr. Hervé ITOUA, Évêque de Ouesso ;
4. Mgr. Jean-Claude MAKAYA, Évêque de Pointe-Noire ;
5. Mgr. Louis PORTELLA-MBUYU, nouvel Évêque de Kinkala ;
6. Mgr. Daniel MIZONZO, nouvel Évêque de Nkayi ;
7. Révérend Père Jean GARDIN, Préfet Apostolique de la Likouala.

 

 


 
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