CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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MESSAGE DE PAIX ET DE RÉCONCILIATION : AVRIL 1993

vendredi 16 mars 2012

Paroles d’Évêque N° 9
21ème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE À OWANDO, LE 21 AVRIL 1993

« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu » (Luc 13 ; 34).

Chers chrétiens et hommes de bonne volonté,

1. Cette plainte de Jésus sur la ville sainte est nôtre en ces temps difficiles que nous traversons dans notre pays. Si notre voix s’est tue devant les exactions de toutes sortes qui ont été commises, c’est parce qu’il nous a été presque impossible de nous retrouver entre Évêques, d’une part, et à cause de la difficulté à rencontrer nos dirigeants et leaders politiques et à nous faire entendre d’eux, d’autre part.

2. Nos cœurs meurtris ont préféré confier le sort de notre peuple au Seigneur dans la prière. Des neuvaines, septaines et triduum de prière pour la réconciliation et la paix du pays ont été organisés à travers tous les Diocèses. Il faut cependant rappeler que notre message demeure constant, particulièrement depuis 1986. Nous signalons pour mémoire [Paroles d’Évêque N° 1, 5, 6, 7, 8] :

3. Nous voulons également mentionner les écrits du Conseil Œcuménique des Confessions Chrétiennes, et particulièrement le « Message aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté » (17 novembre 1991) où il a été dit, entre autres : « quelle que soit l’excellence de leurs programmes, les hommes politiques ne pourront offrir à leur peuple, développement et progrès qu’en garantissant à celui-ci justice, liberté, amour et service. Qu’ils rendent au peuple la sécurité et la paix ! »

4. Nous, Pasteurs de l’Église qui est au Congo, saisissons l’opportunité de notre rencontre pour vous transmettre ce Message et vous inviter à porter un regard lucide sur les douloureux événements que nous avons vécus, en reconnaissant qu’il n’y a ni vainqueurs ni vaincus et en prenant conscience de nos responsabilités réciproques. En effet, en l’espace de deux mois, les Congolais se sont transformés en loups les uns à l’égard des autres, remettant en question des liens sacrés qui constituent la base de l’équilibre de notre société. Le mal est immense tant sur le plan physique et matériel que sur le plan moral :

- sévices corporels, mutilations, tortures, chasse à l’homme, viols, humiliations, brimades, confiscations des biens, pillages, déplacements forcés des familles, éliminations physiques sommaires.

- des enfants traumatisés par des nuits entières de tirs au fusil.

- des gens morts faute de soins ; des femmes mortes en couche à cause des barricades et des innocents victimes de balles perdues.

- des jeunes drogués pour la vie et qui seront un poids pour la société.

Bref, il faut avouer qu’une telle accumulation de forfaits en un laps de temps aussi court, ne pouvait pas ne pas déchirer le tissu social de notre pays et remettre en cause l’unité nationale.

5. Reconnaissons notre péché. Il est énorme. Nous sommes confus. Il nous revient maintenant d’en assumer la responsabilité, chacun à quelque niveau qu’il se situe, pour une raison ou pour une autre.

Nous voudrions, de manière particulière et fraternelle, attirer l’attention des Responsables politiques sur l’effet désastreux de leurs paroles incitatrices à la violence. Il a manqué de leur part un message de paix : pour que des foules se soient ainsi déchaînées, il a fallu les droguer, les galvaniser, les fanatiser au point de ne plus entendre raison, d’oublier totalement leurs véritables intérêts et de bafouer les valeurs fondamentales de l’homme.

6. Les leaders politiques peuvent aujourd’hui s’embrasser, se donner des accolades après avoir suscité et attisé les conflits. C’est tellement facile pour eux tant ils n’ont pas connu la souffrance dans leur chair et dans leur cœur. Mais pensent-ils à toutes ces familles déchirées, à tous ces foyers disloqués, à tous ces enfants désemparés ? Nous aussi, Évêques, reconnaissant nos limites dans tout ce qui est arrivé, nous sollicitons la miséricorde de Dieu et son pardon pour nous-mêmes et pour nos frères.

7. Dieu merci, au milieu de ce débordement hystérique, il y a eu des personnes, des groupes, des quartiers qui ont résisté à cet engrenage de la violence, ont témoigné de leur foi et ont manifesté un sens de la solidarité, de l’amitié fidèle, de l’honnêteté, de l’unité et du patrimoine. Ils sont dignes d’admiration et d’éloge.

8. Nous saluons et remercions aussi tous ceux qui ont contribué à l’aboutissement des accords du 26 juillet à Brazzaville et du 04 août 1993 à Libreville. Nous souhaitons que ces accords soient scrupuleusement respectés par tous les dirigeants et leaders politiques, du sommet à la base, afin qu’aucun prétexte ne vienne encore allumer les foyers de tension.

9. Cependant ces accords ne vont pas panser par enchantement toutes ces profondes blessures. Nous devons prendre conscience du long chemin à parcourir pour une vraie réconciliation. Pour ce faire, nous n’avons pas à nous poser en juges (cf Mt 7 1), mais plutôt en citoyens tolérants et miséricordieux : c’est de pardon réciproque que nous avons besoin... « jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 22).

10. Nous n’avons pas non plus à nous contenter de pleurer sur nos ruines, mais plutôt à rechercher des voies et des moyens pour reconstruire. Il s’agit de redonner confiance aux uns et aux autres par des actes concrets de solidarité pour favoriser la réinsertion. Telles sont les attitudes fondamentales qui s’imposent à nous aujourd’hui. Du plus haut responsable au plus petit, nous avons à nous ré imprégner des exigences morales indispensables à toute vie en société :

« Tu ne tueras pas. Tu ne voleras pas. Tu ne mentiras pas »

11. Nous avons également à renouveler notre fidélité à la CONSTITUTION que nous avons tous adoptée le 15 Mars 1992. Ce sursaut moral est une nécessité pour tous. C’est là le gage sûr de l’avenir de notre pays.

12. Que le Seigneur notre Dieu ait pitié de notre société, de sa jeunesse à la dérive, de son économie délabrée, de son équilibre fragile, et surtout qu’il renouvelle nos cœurs pour un CONGO nouveau, juste et fraternel.

La Paix soit avec vous !

Fait à Brazzaville, le 06 août 1993

 

LES ÉVÊQUES DU CONGO
1. Mgr. Barthélémy BATANTU, Archevêque de Brazzaville ;
2. Mgr. Bernard NSAYI, Évêque de Nkayi, Président de la CEC ;
3. Mgr. Ernest KOMBO, Évêque d’Owando ;
4. Mgr. Hervé ITOUA, Évêque de Ouesso ;
5. Mgr. Anatole MILANDOU, Évêque de Kinkala ;
6. M. l’Abbé Louis PORTELLA-MBUYU, Vicaire Général du Diocèse de Pointe-Noire.

 

 


 
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