MESSAGE DES ÉVÊQUES AUX FIDÈLES CHRÉTIENS ET AUX HOMMES DE BONNE VOLONTÉ
vendredi 5 juin 2020
19ÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CEC
DU 1O AU 17 NOVEMBRE 1991 À BRAZZAVILLE
« Aux Fidèles chrétiens et aux hommes de bonne volonté »
Chers Frères et Sœurs,
1. Depuis plus de 27 ans, notre pays a connu le monopartisme, à travers le MNR, CNR et enfin le PCT marxiste-léniniste. Tous les congolais ont fait l’expérience de la « violence révolutionnaire », vertu suprême de la lutte marxiste des classes, arme de guerre de la « classe prolétarienne » victorieuse sur la « bourgeoisie rétrograde ».
Pendant 27 ans, les congolais ont appris à diviser le monde en deux camps : ceux qui se rangeaient du côté du « prolétariat » et les autres, c’est-à-dire, les « réactionnaires », les « impérialistes et leurs suppôts » et, bien entendu, ceux qui professent la Religion accusée de « Opium du peuple »... Beaucoup en ont souffert, et l’Église Catholique, d’une manière particulière, s’est trouvée la cible privilégiée des « révolutionnaires » : ses écoles ont été nationalisées, ses mouvements de jeunesse interdits et son action a été confinée dans les « ghettos » de ses paroisses.
2. Mais elle s’est abstenue de joindre sa voix aux concerts violents et contradictoires de la « dialectique marxiste » et a préféré travailler dans le silence. Car, face au musellement de la hiérarchie et des Ouvriers Apostoliques, l’Église Catholique s’est découvert une nouvelle force et un nouveau soutien apostolique extraordinaire : les laïcs chrétiens. Les Scholas populaires, les mouvements d’apostolat ou fraternités et plus tard les groupes de prière ont constitué son rempart privilégié contre le raz-de-marée révolutionnaire.
3. Cependant l’Église Catholique n’est pas restée totalement muette jusqu’à nos jours ; elle a réagi et parlé à travers les nombreuses Lettres Pastorales et les Messages des Évêques. Rappelons simplement :
- En 1972 : « Place du Chrétien dans la Construction Nationale » dans lequel les Pasteurs demandent au chrétien, citoyen du Royaume des Cieux, d’être responsable de la destinée de la société terrestre.
- En 1984 : l’Appel d’Owando, diffusé à une époque où notre pays et même l’Église Catholique connaissaient de très forts remous.
- En 1986 : le Message de Loubomo « Le chrétien, Messager de la Paix » dans lequel les Évêques redéfinissent, à l’usage des fidèles, les aspects du témoignage chrétien dans la société : paix, non-violence, respect de la personne humaine et de ses droits fondamentaux. Probité et responsabilité.
- En 1990 : Message des Évêques « Engagement politique, non-violence, fraternité » dans lequel les Évêques invitent les chrétiens à s’engager politiquement sans se départir de l’esprit évangélique qui caractérise leur témoignage. Cela les conduit à œuvrer pour une politique non-violente, la fraternité et l’unité entre fils du Congo, pour que l’évolution vers une société démocratique se fasse dans la paix et la concorde nationale.
4. L’Église Catholique, avec les autres Confessions Religieuses, s’est profondément réjouie de l’instauration de la démocratie pluraliste. C’est avec beaucoup de joie et de conscience qu’ensemble elles ont porté leur contribution à la Conférence Nationale Souveraine, à travers leurs documents et leur participation effective.
5. Le Congo est entré dans un long et lent apprentissage de la démocratie. Comme pour tout apprentissage, les tâtonnements, les maladresses et les méprises ne peuvent manquer. Dans un climat de compréhension mutuelle, de concorde et de tolérance beaucoup de problèmes seraient résolus, dans la sérénité. Malheureusement, nous assistons chaque fois à des débordements de langage identiques à ceux que nous avions subi lors du monopartisme. L’histoire se répéterait-elle ? A la « violence révolutionnaire » succéderait-il une violence démocratique ? Et nous sommes surpris de constater que même des chrétiens se livrent à cœur-joie à la critique négative et au dénigrement.
6. L’Église Catholique oppose à cette éventualité une vision chrétienne des choses. Elle invite au pardon et tient à éclairer et à guider tous les fidèles à la lumière de l’Évangile de Jésus Christ. C’est dans ce but qu’elle veut garder la position de neutralité et le rôle d’arbitre qu’elle a toujours observés.
7. C’est ainsi qu’aucun membre de la hiérarchie ni du Clergé, c’est-à-dire Évêque ou Prêtre, ne saurait être candidat aux élections municipales et législatives et encore moins aux élections présidentielles. Mais, par ailleurs, nous appelons tous les laïcs chrétiens à s’engager effectivement, à travers les partis politiques et les associations, dans un esprit de non-violence et de fraternité.
8. Nous exhortons tous les congolais, croyants et hommes de bonne volonté, à voter en conscience et en toute responsabilité pour celui qui propose un projet de société viable permettant de sortir le pays de la crise économique. En effet, la valeur d’un parti politique se mesure à la qualité de son Programme et aux qualités humaines et politiques, des candidats qu’il présente.
9. Nous appelons tous les chrétiens à prier et à œuvrer avec les autres hommes épris de justice et de paix pour que les enfants du Congo connaissent enfin une ère durable de démocratie et d’état de droit.
10. Que par l’intercession de la Vierge Marie à qui le Congo a été consacré, nos prières soient enfin exaucées.
Les Évêques du Congo
Mgr. Barthélémy BATANTU, Archevêque de Brazzaville ;
Mgr. Georges-Firmin SINQHA, Évêque de Pointe-Noire ;
Mgr. Anatole MILANDOU, Évêque de kinkala ;
Mgr. Hervé ITOU A, Évêque de Ouesso ;
M. l’Abbé Victor ABAGNA-MOSSA, Vicaire Général d’Owando,
en remplacement de Mgr. Ernest KOMBO, Évêque d’Owando, excusé.