MOT D’ADIEU DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SORTANT
vendredi 5 juin 2020
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CEC DU 15 AU 20 AVRIL 1985
Excellences,
Au moment de quitter le Secrétariat de la Conférence ÉPISCOPALE, où j’ai travaillé comme prêtre au service de l’Église du Congo, sept ans durant, je tiens à exprimer ma très sincère gratitude aux Évêques anciens et nouveaux qui m’ont fait confiance en m’associant intimement à leurs soucis de Pasteurs de l’Église du Congo. Je me suis senti aussi associé aux joies, aux espoirs et aux peines de l’Épiscopat. Ce bout de chemin dans l’histoire de l’Église du Congo, que j’ai ainsi pu parcourir suscite en moi une action de grâce au Seigneur qui, dans sa bonté, l’a permis pour moi.
On ne mesure l’importance et le rôle du Secrétariat de la Conférence que si on est vraiment dans le bain de cette institution d’Église valorisée par Vatican II. La Conférence ÉPISCOPALE, ce lieu où se vit « in actu » la collégialité des Évêques, ce lieu où le lien de la charité doit faire triompher du particularisme pour se hisser dans l’Universalisme qui est une note importante de l’Église, ce lieu où la communion profonde entre frères Évêques d’une Église particulière est vécue, travaille avec son Secrétariat.
Le Secrétaire Général, même s’il n’est qu’un simple prêtre est mis dans cette ambiance. Il contribue, par sa collaboration, à faire vivre cette koinonia, cette collégialité des Évêques est à traduire par des actes communs dans leur Église particulière. Les séances de travail, les délibérations dans lesquelles le Secrétaire prend une part active, sont des moments particulièrement importants où se vit quelque chose d’indicible. Ce fut pour moi des temps forts dans ma vie de prêtre.
Vous comprenez donc la raison profonde pour laquelle, aujourd’hui, je vous exprime mes sentiments de profonde gratitude. Je vous prie, en conséquence, de considérer dans ce climat qui m’anime, la suite de ce que je vous écris.
1- Une Constatation
Un Secrétaire à plein temps ! J’aurai été le premier à tenter de le faire admettre dans notre Église au Congo. Mais il faut l’avouer, le milieu ambiant considère ce genre de personne comme un « fonctionnaire » avec ce que cela a de négatif. Il n’a pas été rare, en effet, d’entendre des gens bien placés de notre Église vous lancer ce pavé : « on ne veut pas de Prêtres-Fonctionnaires au Congo ! » Le Secrétaire Général de la Conférence, un fonctionnaire ! Quelqu’un que l’Église entretient sans intérêt, quelqu’un dont on n’a pas besoin comme tel ! L’Église du Congo n’a-t-elle pas tourné depuis des années sans cette « Éminence-grise » ?
Quand il faut préparer des documents qui servent de base à une réflexion pour la bonne marche de notre Église, quand il faut travailler tel ou tel sujet d’actualité sur lequel on attend des orientations précises dans la communauté, on paraît bien fonctionnaire (sic !).
Et d’ailleurs peut-on, en toute sincérité, longtemps refuser dans une Église structurée d’affecter tel ou tel du clergé à certaines tâches qui ne sont pas en tout semblables à celles d’un curé de paroisse ?
L’Église est bien une société composée de personnes et comme telle elle a besoin d’une organisation : cela suppose une variété de tâches depuis les plus spirituelles aux plus matérielles, si je puis ainsi m’exprimer. Quelqu’un qui serait affecté à des tâches autres que celles de l’enseignement du catéchisme ou de la pastorale classique est jugé perdu pour le ministère pastoral ! Seul est pris en compte le ministère dans une paroisse ; et l’intérêt qu’on porte à un prêtre est trop souvent fonction du ministère qu’il exerce ou a exercé en paroisse ! On aura de plus en plus besoin de chercheurs aussi dans nos Églises.
2- Un Double Souhait
Qu’il me soit permis de formuler auprès de la hiérarchie et de ses collaborateurs immédiats, au seul titre de chrétien et prêtre deux souhaits : c’est de considérer effectivement comme utiles et nécessaires à la vie de l’Église qui est une société, un corps, toutes qui concourent à assurer son fonctionnement. Que celui qui, à cause de ses confrères est obligé de s’astreindre à parcourir des bureaux ou des agences, pour légaliser un document ou chercher un titre de transport ne soit pas considéré comme sans intérêt parce qu’il n’est pas curé de paroisse. Et j’en passe pour d’autres activités de ce genre. Il est nécessaire que de la part des responsables d’Église, il y ait une juste appréciation de la collaboration qu’apporte à la hiérarchie et à l’Église un Secrétaire de la Conférence ÉPISCOPALE.
C’est en voyageant dans d’autres pays européens et africains que j’ai été frappé des sentiments d’égard et même de simple amitié fraternelle des Évêques à l’endroit de leur Secrétaire ! Devant certaines attitudes et réactions ne faudrait-il pas poser sous forme de question cette boutade qu’un confrère me lançait, il y a quelques jours : « Croyez-vous vraiment à ta Conférence ÉPISCOPALE ? ».
Le deuxième souhait pourrait être formulé de la manière suivante : que soient suivis les statuts librement approuvés par tous concernant le mandat du Secrétaire. Il vous est loisible peut-être de modifier celui concernant le Secrétaire suivant la sympathie qu’il vous inspire ! Mais, au moins après accord entre membres de droit qu’il soit notifié en bonne et due forme à l’intéressé de sa reconduction ou de son départ. Cela éviterait de donner l’impression pénible de rejet ou de « déboulonnage » qu’on pourrait ressentir quand la procédure n’est pas normale.
Et même si ce rejet ou déboulonnage est requis ne faudrait-il pas trouver une procédure qu’on attend des Pères et Pasteurs que sont les Évêques ? Peut-être ne trouvera-t-on pas toujours des personnes accommodantes ! On regrette les plaies profondes creusées dans le clergé d’un pays voisin pour ce genre de cas ! L’histoire est un livre ouvert dans lequel il faut savoir se référer. Le fait qu’aujourd’hui la Conférence étoffe son personnel, en créant un poste de Secrétaire-Adjoint qu’occupera, pour la première fois, une religieuse du Rosaire, augure qu’un pas est entrain de s’accomplir.
Seul comme Secrétaire de cette Conférence, on trouvait que je n’étais pas suffisamment employé pour la Conférence, même quand durant mon exercice j’ai assuré d’autres responsabilités ! Celles de la Procure des Missions Congolaises : billets d’avion, assurances des voitures et mobylettes ; celles du professorat au Grand Séminaire, qui m’obligeaient à être nécessairement en dehors de mon Secrétariat. Si bien qu’à certains moments tel ou tel travail demandé n’était pas exécuté dans les délais attendus. Cela m’a été reproché et je l’accepte. Et j’ajouterai les responsabilités de la Direction du Journal « La Semaine Africaine ».
3- Le Travail au sein de la Conférence
Je ne puis me targuer d’avoir été le Secrétaire parfait qu’il fallait à l’Épiscopat congolais. Qu’on veuille bien m’excuser pour les déficiences que j’ai manifestées : elles qui d’une manière ou d’une autre ont terni l’image de marque de cette haute instance ecclésiale. Je souhaite que la nouvelle équipe plus étoffée et même plus capable vous donne entière satisfaction. Mais ne la surchargez pas, car partout les forces humaines ont leur limite.
J’avoue avoir plus particulièrement ressenti les limites de mes forces humaines pendant les grands événements que notre Église congolaise a vécus. Je citerai seulement le Centenaire. Dans la préparation comme dans le cours de ces événements, je me suis trouvé mêlé à toutes les sauces. Je ne me plaindrai pas d’y avoir consacré toute ma personne et mes faibles capacités. Ceci pour vous dire que jusqu’au bout, même dans les travaux les plus difficiles pour l’édification de notre Église, j’ai essayé de m’investir jusqu’au bout. Je n’y ai peut-être pas réussi.
Il ne suffit pas aujourd’hui d’étoffer le Secrétariat pour que le travail attendu soit désormais accompli dans les délais impartis. Il est plus nécessaire encore que les Commissions ÉPISCOPALES fonctionnent et que leurs bureaux soient actifs. Maintenant qu’une phase différente dans le fonctionnement de la Conférence est amorcée, il est souhaitable que des thèmes de travaux d’où émaneront des lettres pastorales et des directives concrètes soient mis en chantier par la Conférence, avec l’aide des Commissions.
Dans la dernière session à laquelle j’ai participé, Monseigneur SINGHA, Président de la Conférence, notait que désormais les Sessions de la Conférence qui jusqu’ici étaient convoquées pour un événement urgent, une situation explosive, auront le loisir de se consacrer à un travail plus approfondi sur des sujets bien choisis. Dans le mot d’ouverture de la Session de 1981, j’avais longuement souligné la manière dont celles-ci devaient travailler un sujet avec le Secrétariat.
Conclusion
Je rends grâce au Seigneur pour cette proximité que j’ai eue avec mes Évêques du Congo, même si celle-ci aura été peu longue avec les nouveaux Évêques. Quoiqu’il en soit, je suis persuadé que cela a eu beaucoup d’impact sur moi.
Au Président, Monseigneur Georges-Firmin SINGHA, avec qui pendant ce temps j’ai eu à travailler et à partager des moments au Congo et en Europe, je tiens à dire toute ma gratitude. Sa confiance à mon égard a été à la mesure de sa grande âme. Qu’il veuille bien m’excuser si je blesse sa modestie dans ces paroles qui sortent droit du fond de moi-même. Aujourd’hui, pour moi, quelle que soit la porte par laquelle je quitte ce Secrétariat de la Conférence, je rends grâce au Seigneur pour tout le bien que l’Épiscopat congolais m’a fait. Chacun de vous y a sa part, je demande au Seigneur - et je me recommande en cela à vos prières - d’être toujours capable de chanter : « oportet ilium crescere et me minui ».
Abbé Dominique KIMBEMBO, [1]
(SG/CEC pendant 7 ans)
[1] Abbé Dominique KIMBEMBO,prêtre du diocèse de kinkala, ordonné le 24 juin 1962. Il a été Secrétaire Général de la CEC, de 1977 à 1985. Il réside en ce moment à Paris, en France.