CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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PLACE ET RÔLE DES LAÏCS DANS LA VIE DE L’ÉGLISE : 1973

lundi 3 août 2020

V. MESSAGE DES ÉVÊQUES EN 1973, SUR LE LAÏCAT

1. Réunis au cours de la session annuelle de leur Conférence Épiscopale (en 1973), les Évêques du Congo ont réfléchi sur ces textes et ces orientations du Décret conciliaire sur l’Apostolat des Laïcs (n° 2 et 3). Ils ont examiné quelle est la situation actuelle du laïcat et le rôle qu’il joue dans l’Église du Congo. Ils ont voulu donner les directives que l’on trouvera ci-dessous pour que l’Église du Congo soit davantage le Peuple de Dieu où chacun, Évêque, Prêtre, Religieux, Religieuse, Laïc, tous baptisés du même Baptême dans le Christ, travaillent en commun au salut de leurs frères congolais.

I. ORIENTATIONS THÉOLOGIQUES

Nous sommes invités, aujourd’hui, à découvrir l’unité vécue du Peuple de Dieu dans la diversité et dans la complémentarité des ministères exercés pour l’édification de l’Église. Tous les chrétiens, solidairement, quoique diversement, portent le ministère de l’Église. La construction de l’Église repose sur les épaules de chaque chrétien, selon la grâce qu’il a reçue (1P4,10 ; Eph 4,11-12).

Les ministères sont des services, permanents ou temporaires, finalisés par la construction de l’Église. Il y a une diversité de ministères (1Co 12,5) donnés en vue du bien commun. Nous sommes tous diversement responsables de la présence, de la vie et de la mission de notre communauté chrétienne.

2. La responsabilité à l’endroit de la foi de l’Église est portée par tous les chrétiens. Ils sont solidaires pour rejeter les fausses doctrines (1Th 5,19-21 ; Col 2,8) ou encore comme l’enseigne Vatican II : « l’ensemble des fidèles ne peut faillir dans la foi » (L.G. 12). La diversité et la solidarité de tous les chrétiens devraient permettre le passage d’une Église reposant trop sur les épaules du Clergé à une Église reposant activement sur la commune responsabilité des chrétiens.

II. SITUATION ACTUELLE DU LAÏCAT DANS L’ÉGLISE DU CONGO

3. Une enquête faite récemment dans un certain nombre de paroisses des trois diocèses a mis en évidence les points suivants :

- Parallèlement à la prise de conscience que chaque congolais chrétien ou non chrétien a effectuée sur la place qu’il doit prendre dans la construction du pays, les chrétiens congolais aussi prennent davantage conscience du rôle actif qu’ils doivent jouer dans la vie de l’Église.

- Aussi assiste-t-on actuellement à l’éclosion de multiples communautés chrétiennes dans les villages de campagne, dans les petites villes, dans les quartiers de nos grandes villes.

Dans chacune de ces communautés, les laïcs s’organisent pour vivre une vie chrétienne plus authentique, pour rayonner au dehors par leur charité et pour contribuer au développement du pays. On comprend mieux que l’Église ce n’est pas la « mission » et les missionnaires de qui on attend tout, mais ce sont tous les chrétiens ensemble.

- Cette évolution est particulièrement nette dans l’éclosion de multiples vocations de catéchistes, spécialement parmi les jeunes des grandes villes qui acceptent d’enseigner et de former les plus jeunes à la vie chrétienne, tout en approfondissant eux-mêmes les exigences de leur foi, dans leur vie d’étudiant ou de travailleur.

- De même, beaucoup de catéchistes, formés dans les années précédentes, comprennent mieux leur rôle de serviteurs de la communauté et acceptent de servir leurs frères bénévolement.

4. L’effort pour que chaque chrétien soit à sa place dans l’Église et ait un rôle actif, est donc réel et commence à produire ses fruits, et nous pouvons constater l’action de l’Esprit-Saint qui éclaire ainsi notre Église sur le chemin qu’elle doit prendre, il y a pourtant encore beaucoup à faire pour suivre ce chemin, et il est nécessaire de noter quelques-uns des obstacles qu’on rencontre trop souvent et qui nuisent à la bonne marche de ces communautés :

- La passivité d’un très grand nombre de baptisés qui se contentent de suivre, sans faire les efforts nécessaires pour participer à ce renouveau ;

- La peur des responsabilités qui empêche ceux qui seraient capables de le faire de s’engager. On est amené ainsi à confier les divers services toujours aux mêmes laïcs qui se trouvent ainsi surchargés et qui parfois se découragent plus vite ;

- La permanence du vieil état d’esprit consistant à renvoyer toujours au prêtre toute décision, d’attendre toujours tout de lui (surtout sur le plan matériel) et par conséquent de ne pas prendre d’initiative dans des domaines qui sont pourtant du ressort des laïcs ;

- Une certaine inconstance dans la participation aux sessions de formation qui sont organisées au niveau des Diocèses et des paroisses ;

- De la part du Clergé aussi, une certaine difficulté d’adaptation à la nouvelle situation, un manque de confiance dans la possibilité des laïcs de prendre leurs propres responsabilités ; de la part du Clergé Missionnaire de l’étranger, une trop grande estime pour ses propres méthodes et une certaine défiance vis-à-vis des modes vie chrétienne qui seraient plus authentiquement africaines et congolaises.

- Enfin, aussi bien de la part des laïcs que du Clergé, un dialogue souvent défectueux qui demeure trop dominé par des complexes d’infériorité ou de supériorité, et par des préjugés.

5. Constatant d’une part ce grand élan vers la Foi vécue en communauté, élan voulu par l’Esprit-Saint et conforme au renouveau de l’Église, et d’autre part les obstacles que certaines pratiques ou « le péché des chrétiens » mettent à sa réalisation, les Évêques du Congo, conscients de leur charge, veulent donner les orientations suivantes, qui semblent valables pour tous les chrétiens congolais :

III. ORIENTATIONS :

1. Concernant les Communautés chrétiennes ;
2. Concernant la responsabilité des Laïcs dans la paroisse ;
3. Concernant la Formation des Laïcs.

1)- LES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES

6. L’effort de fondation, d’enracinement et d’animation de communautés, regroupant chrétiens et catéchumènes au niveau de chaque village ou des quartiers, doit être poursuivi et considéré comme une priorité vitale pour l’Église au Congo.

7. Ces communautés pourront présenter des visages différents, des organisations différentes suivant les Diocèses, leur implantation rurale ou urbaine, les légitimes coutumes des groupes ethniques différents, mais pour pouvoir être vraiment une cellule d’Église, elles devront présenter les caractéristiques essentielles suivantes :

- Communauté de foi et de prière dans laquelle les chrétiens ensemble prient et partage la parole de Dieu, essaient de mieux pénétrer par une étude régulière de l’Évangile tout le message de salut que Dieu nous a donné par son Fils Jésus-Christ et en Lui.

- Communauté où chacun essaie de fortifier sa foi et sa prière personnelle pour pouvoir continuer à vivre en chrétien, même si les liens avec sa communauté viennent à être interrompus à la suite de changement de localité.

- Communauté où tous ensemble cherchent comment vivre en chrétiens et en congolais, sans renier le patrimoine légué par nos ancêtres, mais en le vivifiant et si nécessaire, en le purifiant à la lumière de l’Évangile et de la Foi de l’Église ;

- Communauté de charité où chacun, appliquant le commandement nouveau du Christ, aime son frère comme lui-même et comme le Christ nous aime. Charité qui s’exercera dans les multiples aspects de la vie quotidienne, de préférence envers les plus humbles et les plus démunis, dans leurs misères corporelles, morales et spirituelles, et sans discrimination de personnes, ni d’options ou de races ;

- Communauté d’apostolat où tous et chacun, suivant ses qualités et ses compétences, se sent engagé dans le devoir d’évangélisation des hommes. C’est toute la communauté qui doit témoigner de sa foi ; l’apostolat n’est pas réservé à quelques-uns. Toute la communauté sera intéressée à ses propres catéchumènes et aura à donner son avis sur leur admission aux sacrements ;

- Communauté engagée dans la construction du Congo : en vertu même de son Baptême, de son identification au Christ qui est venu sur terre pour sauver tout homme et tous les hommes, instaurer la justice et la paix, le chrétien doit travailler à la construction du pays avec tous ses autres frères congolais.

La communauté chrétienne ne forme pas un groupe à part des autres citoyens dans ce travail, mais se mélange intimement aux autres groupes, tous les hommes et femmes congolais unis entre eux.

8. Une autre caractéristique essentielle de nos communautés chrétiennes devra être la place indispensable que devront avoir les laïcs dans la responsabilité de toute la vie de la communauté. À cet effet et suivant des modalités qui pourront varier, on devra trouver dans chaque communauté un conseil de responsables, le catéchiste chargé plus spécialement de l’enseignement de la Parole de Dieu et de la liturgie, et les diverses fonctions nécessaires à la vie matérielle et spirituelle de la communauté.

Chacun devra avoir à cœur, en toute simplicité, de faire bénéficier ses frères des dons que l’Esprit-Saint a pu déposer en lui et qui auront été reconnu véridiques par les responsables de la communauté.

9. Enfin, il faut préciser le rôle primordial du prêtre dans la vie des communautés. Même si le rôle de la responsabilité des laïcs, sont particulièrement soulignés, le prêtre demeure, en union avec l’Évêque, le président de la communauté tout entière, au service de l’unité. Il est le premier responsable de la communauté dont l’Évêque l’a chargé. C’est à lui de veiller à ce que chacun ait la place qui lui revient, de s’efforcer, de découvrir, de former, et ensuite d’aider ceux qui seront les responsables laïcs.

10. En raison de sa consécration au service de l’unité, il reste essentiellement le ministre ordonné pour proclamer la Parole de Dieu, pour présider la célébration de l’Eucharistie qui est le lien de l’unité de la communauté, il est celui qui dispense la grâce du Christ dans les Sacrements. Devant ce développement du rôle des laïcs dans la communauté chrétienne, le prêtre doit réfléchir lui aussi sur les changements qui doivent s’opérer en lui, non pas dans son être même, mais son action sacerdotale qui devra être davantage un service de la communauté que l’exercice d’une autorité sur la communauté.

11. Si d’une façon générale, ces implantations des communautés de village et de quartier se font assez spontanément et sont bien accueillies par les chrétiens, il faut noter qu’elles provoquent cependant un certain désarroi chez certain qui n’ont pas été habitués, non seulement à ces formes de vie chrétienne, mais aussi à certaines exigences qui résultent de la vie communautaire.

12. Certains auraient tendance à penser qu’il s’agit là d’une tactique résultant de la diminution du nombre de prêtres et pour pallier les difficultés qu’on entrevoit. Si le nombre de prêtres diminue, il est tout aussi vrai de constater le dynamisme faible des baptisés. Là est la raison profonde du renouveau actuel et de notre souci pastoral : que tout chrétien approfondisse et vive le don de son Baptême.

13. Les Évêques du Congo, conscients de leur responsabilité de guider, et en accord plénier avec la doctrine de l’Église, réaffirment que la formation des communautés chrétiennes, la vie des chrétiens à l’intérieur de ces communautés unies entre elles et à l’Évêque, est la voie normale qui doit être suivie. A travers les difficultés qu’a connues l’Église du Congo, à travers les inquiétudes légitimes qui peuvent se lever devant le manque de prêtres, c’est le Saint-Esprit Lui-même qui nous fait signe et nous demande d’entrer dans cette voie.

Ils invitent donc tous les laïcs à faire preuve de jeunesse d’esprit et de cœur pour accepter les difficultés qui peuvent leurs causer ces changements et ces nouvelles obligations et s’engager résolument, en prenant leurs responsabilités au service de la communauté ecclésiale congolaise en général, et à celui de leur communauté de village ou de quartier, en particulier.

2)- LA RESPONSABILITÉ DES LAÏCS DANS LA PAROISSE

14. Dans la ligne de la collaboration accrue entre prêtre et laïcs pour la vie de l’Église, on s’efforcera de mettre en place sans tarder des Comités Paroissiaux composés de laïcs représentatifs de toute la paroisse. Ces Conseils pourront être composés des laïcs exerçant une responsabilité dans les communautés de quartier ou village et dans les mouvements proprement paroissiaux. Cependant, dans les paroisses rurales, on aura sans doute intérêt à établir d’abord des conseils de secteur groupant plusieurs communautés ensemble.

15. Ainsi que le recommande le symposium des Évêques d’Afrique, « l’objectif est d’arriver à faire de ces conseils des structures réelles de dialogue et de participation. H faut habituer le clergé et les laïcs à constituer par leur travail en commun une équipe unie et co-responsable à la fois dans la mission de l’évangélisation et dans les tâches administratives de la communauté ecclésiale ».

16. Le Conseil Paroissial devra progressivement être associé aux problèmes financiers de la paroisse afin que, peu à peu, la charge de la gestion des finances soit assumée par des laïcs compétents.

3)- FORMATION DES LAÏCS

17. Un des obstacles à la prise en charge de leurs responsabilités par des Laïcs est leur manque de formation. Ils en sont conscients, et eux mêmes les premiers la demandent. Cette formation devra être doctrinale et spirituelle, pour approfondir les connaissances, vivifier la Foi et revaloriser l’unité : « foi et vie ». Elle devra aussi être sociale pour promouvoir la justice et le développement. Elle s’adressera à tous, mais plus spécialement à ceux qui ont déjà des responsabilités dans la communauté ou qui s’y préparent.

18. C’est à chaque Diocèse de s’organiser pour promouvoir cette formation selon ses possibilités et sa situation. Les Évêques veulent cependant attirer l’attention des laïcs sur l’effort qu’ils ont à faire pour profiter de cette formation de façon régulière et active. Certains auraient tendance à accepter puis à devenir peu à peu très irréguliers, sous prétexte d’occupations abondantes. La formation à une meilleure vie chrétienne et à un meilleur service de ses frères vaut bien les sacrifices qu’on n’hésite pas à consentir pour des études purement humaines.

19. Les prêtres trouveront dans cette formation des laïcs une des motivations profondes de leur sacerdoce et de leur apostolat ; Ils consacreront à cette formation des animateurs des communautés chrétiennes le meilleur d’eux-mêmes.

20. Dans le travail commun de la construction de l’Église au Congo, les Évêques veulent donc souligner la place indispensable des laïcs. Les orientations ci-dessus devraient être complétées par bien d’autres qui concerneraient la famille, les foyers chrétiens, la pastorale de la jeunesse et des milieux universitaires. Tous ces problèmes sont importants et relèvent de l’Apostolat des laïcs ; ils ne doivent pas être négligés.

21. L’insistance mise sur le fonctionnement des communautés chrétiennes veut montrer la préoccupation des Évêques pour la grande majorité des Laïcs qui vivent dans les villages et les villes, leur vie chrétienne dans leurs occupations de chaque jour. Ils sont persuadés que c’est de ces communautés de prière et de Foi, de charité, d’apostolat, de ces communautés de citoyens congolais chrétiens que pourra surgir une Église vivante, profondément attachée à Jésus-Christ, profondément congolais aussi.

 

Les Évêques du Congo

Cardinal Émile BIAYENDA, Archevêque de Brazzaville
Mgr. Georges-Firmin SINGHA, Évêque de Fort-Rousset (Awando)
Mgr. Jean-Baptiste FAURET, Évêque de Point-Noir

 

 

 


 
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