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La joie de l’amour : un document du magistère, sans relativisme, explique le Card. Schönborn

lundi 11 juillet 2016

Entretien avec le père Spadaro S.J., publié en français chez Parole et Silence
7 juillet 2016Anne KurianRome

Cardinal Christoph Schönborn

«  La joie de l’amour  » – Amoris laetitia -, le document du pape François est « un acte du magistère » qui, sans relativisme, actualise l’enseignement de l’Église sur la famille, explique le cardinal Christoph Schönborn. Dans un entretien qui sera publié intégralement en français aux Editions Parole et Silence, dès demain, 8 juillet 2016, et en partie, dans la revue italienne des jésuites Civiltà cattolica, le 9 juillet, l’archevêque de Vienne rappelle que tous les baptisés ont besoin de miséricorde, mais aussi qu’il n’existe pas de « droit » aux sacrements.

Le cardinal Schönborn, désigné pour présenter officiellement l’exhortation apostolique Amoris laetitia lors de sa publication au Vatican, assure que ce texte est « un acte du magistère actualisant pour aujourd’hui l’enseignement de l’Église ». Le pape François y exerce « son rôle de pasteur et de maître, de docteur de la foi ». Dans cette « véritable leçon de sacra doctrina », estime-t-il, le grand défi est de « montrer que ce regard appréciatif, empreint de bienveillance et de confiance, ne nuit pas à la fermeté de la doctrine mais participe de sa colonne vertébrale ».

Dialoguant avec le père Antonio Spadaro S.J., le cardinal autrichien explique que le pape François « perçoit la doctrine comme l’aujourd’hui de la parole de Dieu (…), doctrine transmise en écoutant les questions qui se posent sur le chemin ». Le pape « refuse un regard de repli sur des énoncés abstraits » car « le regard abstrait de type doctrinaire domestique des énoncés pour imposer leur généralisation à une élite ».

« Il y a la doctrine sur la foi et les mœurs, il y a la discipline fondée sur la sacra doctrina et la vie ecclésiale, et il y a la praxis personnellement et communautairement conditionnée », ajoute encore celui que le pape François a salué à plusieurs reprises comme « un grand théologien ». C’est à ce dernier niveau « très concret » que se situe Amoris laetitia.

Tous mendiants de miséricorde

Le cardinal Schönborn juge que « la complexité des situations familiales, qui dépasse de loin ce qui était habituel dans nos sociétés occidentales il y a encore quelques décennies, a rendu nécessaire un regard plus nuancé sur la complexité de ces situations ». Dans ce contexte, il salue le « pas important » opéré par le pape François « dans la perception par l’Église des éléments conditionnants et atténuants propres à notre époque ».

Amoris laetitia, ajoute encore le cardinal, « dépasse les catégories de ‘réguliers’ et d’’irréguliers’. Il n’y a pas, de façon simpliste, d’un côté les mariages et les familles qui fonctionnent, qui sont bien, et les autres qui ne le sont pas ». Mais il y a « une réalité qui concerne tout le monde : (…), nous sommes en chemin. Nous sommes tous sous le péché et tous nous avons besoin de la miséricorde ».

« Dans la plus orthodoxe des situations, l’appel à la conversion est aussi réel que dans une situation irrégulière », insiste l’archevêque de Vienne. « Nous accédons aux sacrements en situation de mendicité » et chacun peut dire : « Je ne suis pas digne de te recevoir ». Le pape invite alors « à ne pas regarder uniquement les conditions extérieures, mais à nous demander si nous avons cette soif du pardon miséricordieux en vue de mieux répondre au dynamisme sanctificateur de la grâce ».

Pas de relativisme

Si le pape François emploie l’expression « les situations ‘dites irrégulières’, ce n’est pas du tout du relativisme, au contraire il est très clair sur la réalité du péché », soutient le cardinal Schönborn. Le pape « ne nie pas qu’il y ait des situations régulières ou irrégulières, mais il dépasse cette perspective pour pratiquer l’Évangile : que celui d’entre vous qui n’a jamais péché jette la première pierre ».

Le cardinal autrichien évoque aussi la note 351 d’Amoris laetitia, qui ouvre, sous certaines conditions, la possibilité de l’accès aux sacrements aux catholiques en situation « irrégulière » : « Si le pape François n’a traité qu’en notes l’aide des sacrements ‘dans certains cas’ de situation irrégulière, c’est bien que le problème, si important soit-il, est mal posé quand (…) on veut le traiter via un discours général et non via le discernement singulier ». Pour le théologien, « il est possible que celui qui est en règle manque de discernement et mange son propre jugement. Il est possible que, dans certains cas, celui qui est dans une situation objective de péché puisse recevoir l’aide des sacrements ».

Au fil de cet entretien à la revue jésuite Civiltà cattolica, traditionnellement relue en Secrétairerie d’État, le cardinal Christoph Schönborn assure que le pape argentin se situe dans la lignée de son prédécesseur : « En 1994, au moment où la Congrégation pour la doctrine de la foi avait publié son document sur les divorcés remariés, j’avais posé la question au cardinal Ratzinger : ‘Est-ce que la pratique ancienne qui allait de soi et que j’ai connue avant le concile, celle de voir au for interne avec son confesseur la possibilité de recevoir les sacrements à condition de ne pas créer de scandale, est toujours valable ?’. Sa réponse était très claire, comme ce que dit le pape François : il n’y a pas de norme générale qui puisse couvrir tous les cas particuliers. Autant la norme générale est claire, autant il est clair qu’elle ne peut exhaustivement couvrir tous les cas ».

Dans ce document issu de deux synodes des évêques, poursuit le cardinal Schönborn, « le pape François en appelle à la pratique de la grande tradition des directeurs spirituels, dont le rôle a toujours été de discerner en tenant compte tout à la fois des dispositions intérieures et des possibilités réelles de transformer ces situations de vie avec l’aide de la grâce ». Ce « discernement prudentiel recherche, juge, choisit ce qui lui apparaît juste et droit dans un cas concret ». Et le cardinal de mettre en garde contre la « casuistique abstraite » qui risque de créer « un droit à recevoir l’eucharistie en situation objective de péché ». « Le pape nous met devant l’obligation, par amour de la vérité, de discerner les cas singuliers au for interne comme au for externe ».

Cet entretien prend un relief particulier, après les paroles du pape François lors de la conférence de presse sur le vol de retour de l’île grecque de Lesbos, le 16 avril 2016 : « Je vous recommande à vous tous de lire la présentation qu’a faite le cardinal Schönborn, qui est un grand théologien. Il est membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi et connaît bien la doctrine de l’Église ».

 


 
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