SOYEZ MISÉRICORDIEUX COMME VOTRE PÈRE CÉLESTE EST MISÉRICORDIEUX - (LC 6, 36)
mercredi 7 octobre 2020
PAROLES D’ÉVÊQUE N°38
44ÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CEC
DU 1ER AU 7 FÉVRIER 2016 À BRAZZAVILLE
« Miséricordieux comme le Père »
« Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux »
(Lc 6, 36).
Préambule
Réunis, pour la 44ème Assemblée plénière de la Conférence Épiscopale du Congo (CEC), à Brazzaville, du 1er au 7 février 2016, nous Évêques du Congo, vous adressons à vous tous, Prêtres, Personnes Consacrées, Fidèles Laïcs du Christ, Hommes et Femmes de bonne volonté, ce message de paix, de joie et d’espérance, sur la miséricorde.
1. En cette année du jubilé extraordinaire de la miséricorde décrétée par le Pape François, avec la Bulle d’indiction Misericordiae vultus, nous avons voulu être en communion avec le Saint Père pour célébrer, annoncer et vivre ensemble cette « année de grâce » et de bénédiction en vous parlant de la miséricorde. Car, comme disait Saint Jean-Paul II : « La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici » (JEAN PAUL II, Lettre Encyclique, Dives in misericordia, n.2).
I/ NOTION DE MISÉRICORDE
2. Le mot miséricorde, du latin misericordia, est composé de : miseria (pitié) et cor (cœur, entrailles). La miséricorde est la sensibilité à la misère de l’autre ; c’est le sentiment de pitié que l’on éprouve envers quelqu’un. Dans la Bible hébraïque trois mots servent à désigner la miséricorde : rahamîm, hesed, et hén.
3. Le terme rahamim traduit en grec par eleos ou oichtirmos, est un pluriel qui indique d’abord les entrailles ou le sein maternel. Le terme fait donc image et rappelle l’amour et l’affection qu’une mère peut sentir pour son enfant. En l’appliquant à Dieu, la Bible reconnait implicitement le visage maternel de Dieu.
Le terme hesed, traduit en grec par eleos, désigne l’affection, l’amour, la bienveillance comme disposition favorable de la volonté d’un homme envers un autre (cf. Gn 47,29 ; Jo 2,12-14 ; 1 S 20,14-15 ; Rt 1,8 ; 3,10).
Le terme hén rendu en grec par charis ou eleos désigne la grâce, la faveur, la pitié ; c’est se pencher, montrer de la condescendance, de la bienveillance, de la faveur (Gn 6, 8 ; Est 2, 17 ; Ex 33, 19, Ps 51, Prov 31,30).
4. Ainsi, la miséricorde indique la bienveillance de Dieu pour l’homme, sa pitié, sa grâce, sa faveur, sa loyauté. Elle apparaît donc comme l’attachement profond d’un être pour un autre et particulièrement de Dieu pour l’homme. C’est l’être profond de Dieu (Ex 36, 6). Elle consiste en toute attitude à la fois de compassion et d’aide active envers le malheureux voire le pécheur.
5. Dans l’Ancien Testament, Dieu manifeste sa miséricorde en libérant son peuple de l’esclavage (l’Exode) et en pardonnant son péché d’idolâtrie et donc des faux dieux (Ex 20, 4 ; Dt 8, 6). Il interpelle le peuple, à travers les prophètes qui le représentent, à se tourner vers Lui, le Dieu miséricordieux « lent à la colère et riche en bonté » (Ex 34, 6).
6. Dans le Nouveau Testament, le Père révèle sa miséricorde par son Fils Jésus-Christ, le verbe incarné (Jn 1,14). Jésus est donc l’épiphanie de la miséricorde de Dieu. Il est « le visage de la miséricorde du Père », affirme le Pape François (Misericordiae vultus, n. 1). Jésus-Christ, Fils de Dieu, manifeste pleinement cette miséricorde sur la croix : « Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34) ou à travers de nombreux gestes de compassion, de tendresse et d’amour, au milieu de son peuple. En guise d’illustration : Jésus qui mange avec les pécheurs (Mc 2, 15-16 ; Mt 9, 9-13), la Femme adultère (Jn 8, 1-10), la Parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 29-37), la multiplication des pains (Mc 6, 30-44 ; Jn 6), la guérison des malades (Mt 8 ; Jn 5, 1-30), le miracle de Cana (Jn 2), etc.
7. La miséricorde implique le pardon. Jésus miséricordieux nous invite aussi à être miséricordieux envers les autres : « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6, 36). Il nous faut montrer et témoigner ce sentiment du Père dans nos vies, nos familles, nos communautés et dans nos lieux de service. Cela nous pousse à révéler aux autres l’amour du Père, sa bonté et sa tendresse par le pardon, la compassion, le service et l’accueil réciproque. Comme dit le Pape François : « La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme et lui fait expérimenter un amour fidèle qui le rend capable d’être, à son tour, miséricordieux » (Message du Carême 2016).
II/ ÉGLISE ET MISÉRICORDE
8. L’Église, expression et sacrement du salut (LG, 48) a reçu de son fondateur la mission d’annoncer au monde le message de paix, d’amour et de pardon : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie… Ceux à qui vous remettrez les péchés, il leurs seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, il leurs seront retenus » (Jn 20, 21-23). Au cœur de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est son amour qui est annoncé et révélé. Pour le Pape François : « L’Église a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Évangile, qu’elle doit faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous » (Miséricordiae Vultus, n.
2). Dans son action, elle crée des conditions pour rendre visible le Dieu miséricordieux proche de l’homme par son pardon, sa tendresse et par sa fidélité à travers les Sacrements et plus particulièrement par le baptême et le sacrement de la réconciliation. Elle a pour mission de faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous le visage miséricordieux de Dieu en Jésus-Christ, car « l’Église vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde, fruit de l’expérimentation de l’infinie miséricorde du Père et de sa force de diffusion » (Pape François, Evangelii Gaudium, n. 24). Ainsi, dans l’annonce joyeuse de l’Évangile, l’Église « donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ » (Misericordiae vultus, n. 22).
9. C’est ce même message de salut que Nous, vos Pasteurs et Pères, vous annonçons afin que chacune et chacun fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu et jouisse de son pardon offert à tous. Dans la Bulle d’indiction, le Saint Père exhorte : « La miséricorde est le cœur de Dieu. Elle doit donc être le cœur de tous ceux qui se reconnaissent comme membres de l’unique grande famille de ses enfants ; un cœur qui bat partout où la dignité humaine, reflet du visage de Dieu dans ses créatures, est en jeu » (Misericordiae vultus, n. 9).
III/ MISÉRICORDE DANS LA SOCIÉTÉ
10. Le mot miséricorde, tel que le Christ nous l’a enseigné et manifesté dans l’Évangile, doit avoir une implication sociale. Il doit se décliner et se conjuguer dans nos milieux de vie, par des actes concrets de miséricorde et de bienfaisance, que le Pape François, en reprenant la tradition de l’Église, appelle les œuvres de miséricorde corporelles à savoir : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts et spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts (Misericordiae vultus, n. 15).
1/ Miséricorde, justice et paix
11. Une année jubilaire, à la lumière de Lévitique, est une année de grâce, de pardon, de remise de dettes : « vous déclarerez sainte la cinquantième année et vous déclarerez dans le pays la libération pour tous les habitants ; ce sera pour vous un Jubilé… » (Lv 25, 10).
12. En l’an 2000, nous avons célébré un Jubilé où le Pape Jean-Paul II avait eu le courage de demander pardon au nom de l’Église. Et quinze ans (15 ans) après, nous célébrons un Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Mu par l’Esprit et le contexte de crise mondiale (aidant), le Pape n’a pas attendu 2050 pour proposer à l’Église un Jubilé.
Que devons-nous faire de manière concrète ? Nous sommes appelés à prendre des initiatives ou des engagements pour plus de paix et de justice dans le monde et dans notre pays le Congo, de plus en plus, touché par la pauvreté, la misère, le pessimisme, le malaise, les injustices et les antivaleurs (l’impunité, la corruption, l’incivisme, la tricherie, la concussion, la déviance sexuelle, la prostitution, etc.).
13. Depuis l’élection du Pape François, les alertes ont été nombreuses. Dans son message du Carême 2014, le Saint Père interpelle notre conscience sur le fossé qui se creuse entre pauvres et riches, faute de connaissance de Dieu : « Lorsque le pouvoir, le luxe et l’argent deviennent des idoles, ils prennent le pas sur l’exigence d’une distribution équitable des richesses. C’est pourquoi, il est nécessaire que les consciences se convertissent à la justice, à l’égalité, à la sobriété et au partage ». Pour cela, il y a des efforts à faire et une lucidité à déployer pour évaluer à leur juste mesure les injustices, les dysfonctionnements et les perversités dans notre société (Lc 4, 14-21). On ne peut vivre ou célébrer une année de la miséricorde sans regarder de près ce qui se passe autour de nous et dans le monde.
14. Nous demandons à tous et à toutes d’être instruments vivants de justice et de paix. Le Congo notre pays a besoin de paix, nous avons tous besoin de paix, à nous de la bâtir, en évitant tout acte de violence et de conflit qui conduit à la guerre « ennemi du progrès et de l’homme ». Le développement du Congo passe par la culture de paix et de justice que tous nous devons promouvoir, car sans la paix et la justice rien ne se fait (Message de Noël 2014 des Évêques du Congo, n. 16.). La paix est aussi « le fruit d’une culture de solidarité, de miséricorde et de compassion » (Misericordiae vultus, n. 7). Avec le Pape François nous disons : « Ne perdons pas l’espérance de voir en 2016 chacun, engagé fermement et avec confiance, à différents niveaux, à réaliser la justice et à œuvrer pour la paix. Oui, celle-ci est un don de Dieu et œuvre des hommes. La paix est un don de Dieu, mais don confié à tous les hommes et à toutes les femmes qui sont appelés à la réaliser » (Pape François, Message à l’occasion de la journée mondiale de la paix, du 1er janvier 2016).
2/ Amour et miséricorde
15. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 85, 11). L’expérience biblique nous enseigne qu’on ne peut pas parler de la miséricorde sans associer l’amour. En effet, l’amour nous révèle que notre vie en tant que personne est relationnelle. L’amour est communion, partage, échange, solidarité (1 Co 13, 4-8, 13). Il s’agit ici de « l’amour gratuit qui se livre et se donne (agapè) » (Cf. Benoît XVI, Deus Caritas est).
16. Dans notre vie, toute relation quelle qu’elle soit, est déterminante si, et seulement si, cet impératif qu’est l’amour en est le fondement. A cause de notre condition humaine, nous admettons parfois un relâchement de cette relation. Pour la renouer, il nous faut pratiquer les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles (Ph 2, 1). A vous donc de ne jamais séparer ces deux expressions, car amour et miséricorde sont intimement liés. Pour Saint Augustin « l’amour est le cœur compatissant pour la misère d’autrui et les moyens pour essayer d’y subvenir ».
17. Dans la société actuelle marquée par la « mondialisation de l’indifférence », de la haine et de la violence, nous sommes invités à semer la miséricorde et l’amour sans limite qui va au delà de nos différences, de nos tribus, de nos ethnies, de nos sensibilités politiques, de nos croyances et de nos affinités. Nous avons la lourde responsabilité, comme « citoyens du monde » et comme « citoyens du ciel », de sauvegarder l’amour en promouvant les œuvres de miséricorde qui nous rapprochent des autres. D’ailleurs Saint Jacques nous rappelle : « La foi sans les œuvres est une foi morte » (Jc 2, 20). Au moment de l’annonce de l’année jubilaire, le Pape François disait : « Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! ».
3/ Miséricorde, pardon et réconciliation
18. Le mot miséricorde dans son sens profond inclut le pardon et la réconciliation. Être miséricordieux signifie savoir pardonner et apprendre à se réconcilier avec les autres. Pour être miséricordieux comme le Père (Lc 6, 36), nous sommes appelés à exprimer le pardon gratuit de Dieu. Nombreux sont ceux qui portent des blessures de tout genre dans leurs cœurs et qui finissent par couver la haine et la rancune qui, en réalité, durcissent le cœur de l’homme et le rendent triste. Nous vous exhortons à pratiquer à retrouver le chemin et la valeur du sacrement de la réconciliation (confession, pénitence). Le pardon libère et donne la joie (Lc 15). Il guérit, redonne vie, fait renaître l’espoir et donne un nouveau souffle : « Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance » (Pape François, Misericordiae vultus, n. 10).
4/ Famille et miséricorde
19. La famille est une institution voulue par Dieu depuis la création (Cf. Message de la 43ème Assemblée plénière, n. 6). Vivre la miséricorde en famille signifie être à l’école du dialogue, du pardon et de réconciliation ; c’est apprendre à aimer, avoir de la patience les uns envers les autres et se pardonner sans cesse. Quand la famille, « cellule de base de la société et de l’Église » (Africae munus, n. 44), manque à ses devoirs, l’homme perd les repères de la vie et se désoriente. Avoir le sentiment miséricordieux en famille signifie, avoir l’esprit d’écoute, créer les espaces de dialogue entre époux et épouse, parents et enfants, entre frères et sœurs. L’exemple de la miséricorde de Jésus est un paradigme pour la famille, pour l’Église et pour la société (Jn 11 ; Mt 8, 14 ; Mc 5, 41 ; Lc 7, 14-15).
Faisons de nos familles des écoles de miséricorde où l’on apprend à aimer, à pardonner, à compatir, bref à célébrer la joie d’être en famille : « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout… » (1 Co 13, 7).
5/ Miséricorde et écologie
20. Dieu est créateur du ciel et de la terre (Gn1-2). Il acheva l’ouvrage de la création en créant « l’homme à son image et à sa ressemblance » (Gn 1, 26). A l’homme, expression sublime de son amour, Dieu a confié l’univers tout entier (Ps 8) pour qu’il prenne soin de la création. Malheureusement, depuis toujours, l’homme désobéit à cette volonté divine et très souvent il s’en éloigne en détruisant au lieu de construire, de parfaire l’œuvre de la création. Le Pape François dans le souci de sauvegarder ce chef d’œuvre de Dieu, invite l’Homme d’aujourd’hui à prendre soin de la terre « notre maison commune » (Pape François, Laudato Si’, n.1) qui est en ruine et mérite notre attention à tous : « Cette sœur (la terre) crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle » (Ibidem).
21. La planète est effectivement en danger. L’homme gâche tout, gaspille, pollue la terre. Il pèche ainsi contre Dieu et contre ses frères humains. Ainsi, face au constat désolant de la réalité actuelle vis-à-vis des dégâts que l’on commet contre la nature et la création, nous disons : il est temps d’arrêter. Il nous faut protéger la terre, ce bien précieux que Dieu nous a donné. Il faut une véritable « conversion écologique globale et une écologie humaine » (Laudato Si’, n. 216), pour donner du bon souffle à la nature qui nous entoure. Nous en voulons pour preuves : nos rues et avenues pleines d’ordures, des ruisseaux qui traversent nos quartiers sont devenues des poubelles, nos rivières souillées, des conditions hygiéniques encore précaires, avec des retombées néfastes sur la santé. Tout cela doit interpeller notre conscience et doit susciter notre responsabilité. Voilà pourquoi « L’Église nous présente l’idéal d’une civilisation de l’amour, car l’amour social est la clé d’un développement authentique » (Laudato Si’, n. 231.). Ayons le courage de reconnaître que « la destruction de l’environnement humain est très grave, parce que non seulement Dieu a confié le monde à l’être humain, mais encore la vie de celui-ci est un don qui doit être protégé de diverses formes de dégradation » (Laudato si’, n 5).
IV/ VIVRE LA MISÉRICORDE AUJOURD’HUI :
APPELS
22. Fils et filles bien aimés, au terme de notre Assemblée plénière, nous sommes tous invités à être « miséricordieux comme le Père ». C’est dire qu’il nous faut cultiver la compassion de Dieu, sa tendresse et son amour qui sont expression de sa miséricorde infinie. Aussi, voulons-nous lancer un appel vibrant aux Ouvriers apostoliques, aux Fidèles laïcs du Christ, aux jeunes et enfants, aux Hommes politiques, à la force publique, aux medias et à toutes les personnes de bonne volonté.
1/ Aux Ouvriers Apostoliques
23. Aux Ouvriers Apostoliques (Prêtres, Personnes Consacrées), nous vous exhortons à accomplir davantage, dans vos divers milieux de vie et d’apostolat, des gestes qui révèlent la miséricorde de Dieu. Le monde a besoin de témoins qui vivent et enseignent le pardon, la réconciliation et l’unité. Soyez ces témoins au milieu de vos frères et sœurs. Aidez-les à faire l’expérience de la miséricorde de Dieu dans leurs vies, à prendre des initiatives de miséricorde, de paix, de réconciliation et de justice dans la famille et dans la société. Soyez attentifs aux malades et à ceux qui souffrent de la solitude. Que l’exemple du Bon Samaritain inspire votre action pastorale et missionnaire (Lc 10).
2/ Aux Fidèles laïcs du Christ
24. Peuple de Dieu, souvenez-vous que par votre baptême, Dieu a fait de vous un peuple de prêtres, de prophètes et de rois. Vivez votre vocation au service de Dieu et du prochain. Le monde d’aujourd’hui, dit « moderne », nous présente plusieurs phénomènes qui portent atteinte aux valeurs de justice, de paix, de bien-être social et de miséricorde. Tout cela est un signal qui rappelle au chrétien le retour à Dieu.
25. Dans la société, gardez présent à l’esprit que : « Vous êtes sel de la terre et lumière du monde, levain dans la pâte » (Mt 5, 12). Prenez davantage conscience de ce que vous êtes devenus par votre baptême. Continuez ce que vous faites déjà individuellement et collectivement comme œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Vivez la charité fraternelle en vous distinguant par des bonnes actions (BA). Soyez à tous égards « miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6, 36). Nous vous assurons de notre prière et de notre bénédiction.
3/ Aux Enfants et aux Jeunes
26. Chers Enfants et Jeunes, la miséricorde c’est l’amour qui pardonne et apprend à pardonner. Elle est la seule riposte qui désarme la violence, la haine et le péché. A vous, nous demandons de fuir la violence et tout acte qui entraine la haine et la division. Soyez vigilants pour ne pas vous laissez tromper ou séduire par les marchands d’illusion. Votre bonheur dépend de ce que vous faites. Vous êtes le présent et l’avenir de notre pays, suivez les bons exemples. Vivez et témoignez de la miséricorde de Dieu dans vos différents milieux de vie. Avec Saint Jean-Paul II, nous vous disons : « Soyez les sentinelles du matin », que votre vie quotidienne soit dominée par des actes de bonté, de générosité, de compassion, pour rendre gloire à Dieu par votre jeunesse.
27. Nous, Vos Pasteurs, condamnons énergiquement le phénomène de vandalisme actuel illustré par des groupes de jeunes et adultes appelés : Bébés Noirs, Bébés Rouges, Bébés Lilis, Kulunas et Katas katas, qui terrorisent les populations. Malheur aux réseaux mafieux qui les entretiennent et les manipulent en vue d’actes d’incivisme notoires qui déstabilisent la paix sociale.
4/ Aux Hommes politiques
28. Aux hommes politiques de notre pays nous disons que la miséricorde est un acte politique par excellence, à condition de définir la politique dans son sens le plus noble, c’est-à-dire, la prise en charge de la famille humaine à partir des valeurs éthiques, dont la miséricorde est une composante principale, qui s’opposent à la violence, l’oppression, l’injustice et l’esprit de domination. Nous vous invitons, par la miséricorde de Dieu, à ne pas faire de la politique le lieu de règlement de comptes, ni de résolution de vos conflits d’intérêt. « Le domaine de la politique, dit le Pape Pie XI, est le champ de la plus vaste charité, la charité politique ». Ainsi, dans la gestion des affaires de notre pays, ne vous limitez pas à vos intérêts personnels ; au contraire, cherchez à privilégier le bien commun, pour donner au Congo un souffle nouveau (Message de Noël des Évêques du Congo, n. 6-7). « Il est souhaitable que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien de perdu » (Pape François, Message de la 50ème journée des communications).
29. Dès lors, dans votre engagement politique, faites preuve d’humanité donc de miséricorde, de justice, de paix et d’unité. Notre Dieu est un Dieu miséricordieux qui pardonne certes mais qui nous invite à faire de même. Le pardon implique la metanoia (la conversion) et pousse à créer la paix. Soyez des artisans de paix, de réconciliation, de justice et de vérité.
30. La période électorale est souvent un moment d’angoisse dans notre pays. Vous êtes tenus à une organisation claire et juste des élections. Celles-ci se gagnent dans les urnes. Veuillez donc prendre toutes les garanties nécessaires pour qu’aucun droit ne soit lésé et qu’aucune manifestation ne perturbe la bonne tenue des élections et la paix dans notre pays.
31. D’où notre adresse au Futur Président de la République qui sortira des urnes : qu’il s’engage à sauver la nation en imprimant un nouvel agir. Nous avons déjà écrit sur les Antivaleurs (Cf. Message de la 41ème Assemblée Plénière des Évêques du Congo en 2013) qui sont encore bien présentes, trop présentes ; qu’il travaille à chasser l’impunité dans la gérance de l’État, en s’engageant pour la justice, pour le bonheur de chaque citoyen en punissant la corruption, en renouvelant la commission anti corruption afin que l’impunité ne nous replonge pas dans ce qui détruit la nation. Qu’il œuvre pour un vrai dialogue national, qu’il accorde une attention particulière aux détenus qui ont une santé fragile et qu’il manifeste une plus grande diligence pour que justice soit faite en faveur de ceux qui sont en attente de procès en cette année du Jubilé de la miséricorde.
6/ A la force publique
32. Aux hommes et aux femmes de la force publique chargés d’assurer la protection des personnes et des biens et l’intégrité territoriale de ce beau pays que Dieu nous a donné : assurez votre service comme un sacerdoce pour le bien et la tranquillité de tous. Nous sommes conscients des exigences de votre métier, mais cela ne vous dédouane pas d’obéir aux ordres de la hiérarchie. Les échéances électorales qui s’annoncent exigent de chacun de vous une disponibilité du corps et d’esprit avec par-dessus tout le respect de l’homme dans sa dignité afin de « respecter le jeu démocratique….Votre mission est noble en cette période des élections pour garantir la paix et la sécurité pour le bien de tous » (Message des Évêques du Congo du 04 octobre 2015). Le peuple sait compter sur vous, alors ne le décevez pas. Aidez le peuple, tout le peuple à chasser la peur. Nous vous invitons à accomplir votre devoir avec un esprit républicain et responsable afin que votre travail intègre l’œuvre miséricordieuse du Père qui veut que chaque homme vive en paix sur la terre. A la fin chacun pourra dire : « Je n’ai fait que mon devoir » et je l’ai bien fait.
7/ Aux Medias
33. Dans son Message à l’occasion de la 50ème journée des Communications dont le fil conducteur a effectivement été « Communication et miséricorde : une rencontre féconde », le Pape François a mis un point d’honneur à relever l’importance de la communication et son impact sur la personne humaine en particulier et les communautés en général. En effet, les communicateurs sont à la fois des éveilleurs de conscience et des faiseurs d’opinions. A ce titre, il leur incombe de faire preuve d’une « audace positive ». Le Pape François leur fait observer qu’« il est facile de céder à la tentation (…) d’alimenter les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut, au contraire du courage pour orienter les personnes dans des processus de réconciliation ; et c’est justement cette audace positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable », a-t-il ajouté.
34. Nous, vos Pasteurs, vous exhortons à faire grandir la communion entre les Congolais et, à ne jamais démolir ou briser la relation et la communion. A vous aussi, la mission d’être au service de la vérité et de l’annoncer même quand il faut condamner le mal avec fermeté. En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à communiquer avec tous, dans la vérité, sans exclusion. Il va sans dire que les paroles peuvent établir des ponts, favoriser la rencontre, l’inclusion et le « vivre ensemble », tout comme elles sont capables de dresser les uns contre les autres, d’ériger des barrières entre les personnes et au sein des communautés. L’unité, la paix et la réconciliation du Congo dépendent aussi de votre savoir-faire. Soyez conscients de cela.
35. Chers communicateurs, le Congo, notre beau pays, qui traverse avec une appréhension justifiée ou non une période transitoire de sa tumultueuse histoire a, plus que jamais, besoin de ces communicateurs dont le Pape François dresse ici le profil. Nous comptons sur votre bonne volonté.
8/ Aux hommes et femmes de bonne volonté
36. Nous vous savons gré de l’attitude dont vous faites montre vis-à-vis de vos frères et sœurs du Congo et de la terre entière, « notre maison commune ». Cela témoigne combien vous êtes ouverts à la misère et travaillez sans conteste à y remédier. Par là, vous devenez les relais de la grâce et de l’amour miséricordieux dont le Christ est le sacrement.
37. Nous vous adressons cet appel : gardez le même élan et le même zèle à vouloir et servir le bien. Ce bien, en effet, contribuera à la normalisation des rapports des hommes entre eux et avec l’ensemble des réalités qui composent notre « maison commune » (Pape François, Lettre encyclique Laudato si’, n. 1). Œuvrez donc avec force et amour à matérialiser ce bien au moyen des œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles qui alors mèneront à une écologie intégrale pour le bien de tous : « Je voudrais donc inviter toutes les personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la miséricorde de guérir les relations déchirées et de ramener la paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés » (Pape François, Message de la 50ème journée des communications).
CONCLUSION
38. Fils et filles bien aimés, les paroles du Sermon sur la montagne « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7), lesquelles indiquent l’amour-miséricorde, sont une synthèse de toute la Bonne Nouvelle. Être miséricordieux est un don de Dieu, car « Tout en lui parle de la miséricorde », mais aussi une possibilité du cœur humain, à s’ouvrir à Dieu et l’imiter dans son agir en cultivant sa compassion, sa tendresse, son amour et sa bienveillance à l’égard de tous sans préjugés. Nous vous invitons à redécouvrir l’amour de Dieu qui pardonne et redonne vie en se réconciliant avec les autres, surtout envers celui à qui on a fait du mal et en transmettant aux autres le même pardon et le même amour. Avec toute l’Église qui vit et annonce la miséricorde nous pouvons chanter comme le Psalmiste : « Misericordia Domini in aeternum cantabo » traduit par « la miséricorde du Seigneur à jamais je la chanterai » (Ps 89, 2).
Que le Dieu de miséricorde vous bénisse tous et bénisse notre cher et beau pays le Congo et que Marie Mater misericordiae (Mère de miséricorde) nous aide à devenir nous aussi : « Miséricordieux comme le Père ».
Fait à Brazzaville, le Dimanche 7 février 2016
En la clôture de l’année de la vie consacrée au Congo
Les Évêques du Congo