CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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ÉGLISE-FAMILLE ET DÉVELOPPEMENT

vendredi 16 mars 2012

PAROLES D’ÉVÊQUE N° 11
23ème assemblée Plénière à Brazzaville Du 22 AU 28 MAI 1995

Chers frères et sœurs,

1. « Nous sommes de la famille de Dieu : voilà la bonne nouvelle ! Un même sang circule dans nos artères, et c’est le sang de Jésus-Christ ; un même Esprit nous anime, et c’est l’Esprit-Saint, fécondité infinie de l’amour divin ». (Message du synode pour l’Afrique n°25).

I. ÉGLISE-FAMILLE.

2. L’Église a pour origine, modèle et finalité, le mystère d’amour de Dieu-Trinité. La nouveauté du concept Église-Famille de Dieu nous dit davantage la richesse de l’Église. En effet, cette image est même une expression appropriée pour traduire la profonde épaisseur du terme Église, mystère et communion auquel nous sommes très habitués. L’image "Église-Famille” met l’accent sur ce que l’Église est et voudrait être davantage, attention à l’autre, dans la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance.

3. Le terme « Frères » utilisé très tôt dans Église primitive désigne couramment les chrétiens à Jérusalem (cf Ac1,15). Le Baptême qui fait entrer dans cette nouvelle Famille au sens fort du terme, puisqu’il fait naître, justifie bien la force et la richesse du concept Église - Famille, aujourd’hui.

4. Ce que nous demandons dans la prière eucharistique pour les rassemblements raconte et exprime l’Évènement Église-Famille : « Nous qui allons recevoir son corps et son sang... Fais que nous soyons un dans la foi et l’amour... Fais de ton Église, un lieu de vérité et de liberté, de justice et de paix... ». Voilà ce que nous sommes : la base de l’unité et de l’accueil réciproque.

5. Notre Église sera Famille en vivant ce qu’elle nous offre, la paix, l’unité, la communion et la solidarité. Que notre Baptême nous conduise au-delà de nos espaces ethniques, pour vivre réellement notre unique vocation d’enfants de Dieu.

II. ATOUTS DE L’ÉGLISE-FAMILLE

6. Une véritable famille nourrit quotidiennement ses enfants, les soigne, leur prépare un avenir, cultive l’unité. Notre Église-Famille dispose aussi de fortes énergies pour améliorer les conditions de vie de notre peuple.

7. Si notre avenir est aussi entre les mains des banques internationales et dépend des richesses de notre sous-sol, nous affirmons qu’il est d’abord en chacun et chacune d’entre nous. La plus grande richesse du Congo, ce sont ses habitants créés à l’image et à la ressemblance de Dieu qui a déposé en eux tout ce qui est nécessaire pour construire harmonieusement notre pays.

Et l’Église du Congo est constituée de milliers d’hommes et de femmes, jeunes et adultes, capables de mettre ensemble toutes leurs forces, pour combattre toutes les misères qui sont les nôtre.

8. Et nous avons cette chance inouïe d’avoir vu éclore des centaines de petites familles dans notre Église : les communautés de quartiers et de villages (mabundu), les mouvements d’apostolat, les fraternités, les diverses associations chrétiennes... Nourris de la Parole de Dieu, du Corps et du Sang du Christ, animés du souffle de l’Esprit, ces groupes constituent les bases d’une organisation apte à se mettre au travail pour contribuer à l’amélioration de nos conditions de vie.

9. Tous ces réseaux familiaux se trouvent réunis dans nos paroisses : famille où les laïcs sont regroupés autour de leurs prêtres. C’est tout le territoire congolais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, qui se retrouve comme recouvert par le tissu paroissial. Ainsi, tout chrétien, même s’il ne participe pas aux diverses activités des petits groupes, est inséré dans la vie de la famille chrétienne.

Là où il est, à travers sa paroisse, il est relié à toute l’Église et il y trouve les nourritures nécessaires partout où il vit dans le pays, pour développer sa vie de baptisé. Personne ne doit se sentir exclu de la famille baptismale, où qu’il soit, même loin de sa famille naturelle ; là où il sera, il retrouvera une nouvelle famille dans laquelle il pourra vivre.

10. Ce sont aussi nos six familles diocésaines qui nous constituent en Église de Jésus-Christ autour des Évêques. C’est encore une autre chance qui nous est donnée pour travailler en tenant compte des situations diverses de notre pays et nous organiser en conséquence. Comme nous l’avons souvent dit, nos différences ne sont pas des bases pour semer la jalousie et la haine, mais ce sont des richesses pour l’épanouissement de notre famille.

11. Enfin, nous affirmons que notre Église reste une grande force morale dans notre pays et pour l’extérieur. Malgré ses faiblesses et ses limites, elle constitue un lieu de référence crédible pour des milliers d’hommes et de femmes qui y retrouvent la paix et des raisons nouvelles d’espérer.

Pour de nombreuses institutions nationales et internationales, notre Église signifie une espérance, une sécurité, une vérité que nous ne saurions décevoir. Ainsi constituée et comprise, notre Église-Famille devrait rendre fiers les chrétiens, heureux de se nourrir d’une même vie qui se répand partout.

III. PESANTEURS DE L’ÉGLISE-FAMILLE.

12. Pour répondre à cette image de l’Église-Famille, notre Église doit se débarrasser d’un certain nombre de lourdeurs, telle que la peur des sorciers facteurs vraiment démobilisateurs. Ce n’est pas seulement à cause de la croyance en la sorcellerie que le taux de mortalité est élevé dans notre pays ; mais aussi et surtout à cause de la mauvaise gestion de nos vies, de nos structures.

13. La prière seule ne peut remplacer les efforts nécessaires au maintien de la propreté, à l’organisation de notre maison et de nos affaires. La fuite du réel n’est pas une attitude chrétienne. Les maux qui traversent notre pays ne sont pas dus seulement à Satan, mais dans une large mesure, à l’ignorance, à l’incurie, à la paresse, à l’égoïsme, à l’inconscience professionnelle, à nous-mêmes.

Si, pendant que nous nous en prenons à Satan, nous n’avons pas le courage de reconnaître nos négligences, nos démissions, nos fuites, alors nous n’allons pas au bout des exigences de notre Baptême, nous nous dérobons à notre mission : alors la prière seule ne résoudra pas tous nos problèmes, et ne supprimera pas tous nos maux ; que dire, en effet, des amis de Dieu qui ont connu la souffrance dans leur chair ? Étaient-ils abandonnés de Dieu ? Évidemment non. Le mystère de la souffrance ne peut être évacué de l’existence humaine.

IV. LE DÉVELOPPEMENT : UN DÉFI A RELEVER

14. Malgré toutes les pesanteurs de notre Église-Famille qu’avec la grâce de Dieu, nous ne devons cesser de combattre, et poussés par toutes ces énergies qui jaillissent en nous à travers elle, nous vous invitons à relever les grands défis qui se présentent à nous.

15. Nos anciens disaient qu’un paresseux trouve difficilement une épouse. Comme nous l’avons dit, la plus grande richesse de notre pays, ce sont ses habitants. Considérons donc le travail comme une grande valeur chrétienne. Il n’est pas une punition de Dieu, comme un lecteur naïf de l’Écriture a pu le faire croire.

Par notre travail bien fait, nous rendons gloire à Dieu qui prend plaisir à admirer une réalisation humaine. Il nous a donné une intelligence pour concevoir et des mains pour transformer. Alors, travaillons et, ainsi, nous ferons notre devoir de chrétien. Et nous voulons rappeler qu’il ne faut pas hésiter, en Église, au bénévolat. Des champs paroissiaux, des routes entretenues, des ponts réparés : autant de gestes qui, souvent, nécessitent peu d’investissement, si ce n’est notre ardeur, et qui rendraient notre vie tellement plus agréable.

16. En ce moment où le Congo traverse une grave crise économique, nous voulons encourager plus particulièrement le travail et la générosité des femmes. A la campagne comme en ville, par la culture et le commerce, elles assurent la survie des familles. Qu’elles trouvent ici notre reconnaissance et sachent que par leurs nombreuses activités professionnelles, elles contribuent à l’édification du Royaume de Dieu.

17. Dans notre pays fortement urbanisé, de nombreux jeunes et adultes redécouvrent la valeur de la terre. Nous rappelons ici la grandeur et la noblesse du travail de la terre, dimension fondamentale de tout développement. Nous voulons aussi que notre nouvelle année pastorale soit une année de formation au développement.

18. Prêtres et Évêques, nous devons nous former pour être des éveilleurs, préoccupés profondément de l’amélioration de la qualité de notre vie. Nous devons élargir nos vues, plus conscients de ce que le développement de tout homme et de tout l’homme (cf. Populorum progressio) est constitutif de notre travail d’Évangélisation. Ce même souci que nous portons pour l’organisation de la catéchèse, nous devons l’avoir pour le développement.

19. Nous demandons également aux laïcs de s’investir dans cette formation. Au nom de leur Baptême et grâce à leurs compétences, ils doivent transformer la société, de par leur fonction royale. Qu’ils soient conscientisés, motivés par des sessions pour lancer des projets, pour soutenir des initiatives. Qu’ils apprennent à unir leurs efforts et leurs compétences pour aider à gagner le combat pour le développement.

20. « ...Celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-t-li prendre soin de l’Église de Dieu » (1Tm 3, 5). Nous pouvons vous affirmer que la vie de famille est une des clés du développement et de la réussite dans la vie.

Si nos familles elles-mêmes sont désunies, si elles sont des lieux d’immoralité et de corruption, si elles ne cultivent pas la discipline et le respect des parents, notre pays ne pourra pas vivre dans l’unité, nos mœurs ne seront jamais converties, nous n’arrêterons jamais de brûler des parents, sous prétexte de sorcellerie.

21. Voilà pourquoi nous vous exhortons à faire de l’éducation, surtout celle des jeunes, une des priorités de votre vie chrétienne. Il en va de la santé de notre peuple : voyez les résultats désastreux des maladies comme le Sida. Il en va de même de l’avenir de notre pays : voyez ce que peuvent faire des jeunes livrés à eux- mêmes. Il en va du développement de notre Nation : le travail suppose discipline et bonne moralité.

22. Nous le savons, c’est là un énorme pari. Avec la force de Dieu, avec une volonté sérieuse, il peut être gagné. Ne pas livrer ce combat, c’est fermer définitivement notre avenir.

23. Enfin, pour réussir cette énorme tâche, nous vous demandons de mettre en œuvre une organisation de l’action. Pour cela, que les Diocèses, s’organisent mieux, expriment clairement leurs priorités d’action et cherchent les moyens efficaces pour une saine gestion de leur temps et de leurs initiatives, à travers les paroisses. Qu’ils réunissent les principales compétences pour organiser ces activités de développement et pour en assurer le suivi. C’est là, pensons-nous, la condition sine qua non pour espérer décoller et rentrer dans une nouvelle ère de notre Église.

CONCLUSION

24. On ne peut penser normal un homme qui serait fier d’appartenir à une famille ruinée, divisée, rejetée, aux mœurs dissolues.

Frères et sœurs, soyez fiers d’appartenir à une Église-Famille. Et cette fierté passe par une transformation de notre mentalité par rapport au travail, au développement et à l’éducation. Nous sommes persuadés que la prise en main de notre développement fait partie du devoir de l’Évangélisation.

Le synode pour l’Afrique n’a-t-il pas fait de « Justice et Paix » un des thèmes principaux de sa réflexion ?

25. Membres de l’Église-Famille Évêques, Prêtres, Religieux, Religieuse, Laïcs, témoignons de notre unité et œuvrons ensemble au développement de notre pays. Que notre prière stimule notre action, que notre action soit soutenue par notre prière. Et qu’ainsi, au Congo, notre Église-Famille témoigne davantage de Jésus-Christ : « le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6).

 

LES ÉVÊQUES DU CONGO
1. Mgr. Barthélémy BATANTU, Archevêque de Brazzaville ;
2. Mgr. Bernard NSAYI, Évêque de Nkayi, Président de la CEC ;
3. Mgr. Ernest KOMBO, Évêque d’Owando ;
4. Mgr. Hervé ITOUA, Évêque de Ouesso ;
5. Mgr. Anatole MILANDOU, Évêque de Kinkala ;
6. Mgr. Jean-Claude MAKAYA-LOEMBA, nouvel Évêque de Pointe-Noire. 

 

 


 
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