CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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INVITATION À UNE RÉFLEXION SUR L’APOSTOLAT DES LAÏCS AU CONGO

samedi 25 avril 2020

Paroles d’Évêque N° 2
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CEC, À LOUBOMO (DOLISIE), DU 14 AU 20 AVRIL 1986

Par Mgr. Hervé ITOUA,
Évêque de Ouesso Président de la Commission Épiscopale pour l’Apostolat des Laïcs

HISTORIQUE

« Parole d’Évêque » N° 2 : « Invitation à une réflexion sur l’Apostolat des Laïcs au Congo », fait suite à la Plénière de 1986, tenue du 14 au 20 avril 1986, à Loubomo (Dolisie), sur l’Apostolat des Laïcs.

Très tôt, dans notre Église, les Laïcs ont compris qu’ils étaient membres du peuple de Dieu, à part entière, avec un rôle propre à jouer. Cette prise de conscience de la présence active se présente en quatre étapes :

Première étape : jusqu’en 1960.

Avant le Concile Vatican II, la prise de conscience a existé dans les Mouvements d’Action Catholique des jeunes dans les écoles (Scouts, Cœurs Vaillants, Âmes Vaillantes, Louveteaux) et, pour les plus âgés, (JAC, JOC, JEC, Routiers, Guides et les Mouvements Syndicaux).

Le but visé était la formation civique et chrétienne. Le chrétien s’engageait dans ces mouvements pour vivre en bon chrétien. A cette époque, nous pouvons citer aussi la Légion de Marie qui était, avec sa méthodologie, sa tactique et sa logique, comme le berceau de tous les mouvements d’Apostolat que nous connaissons aujourd’hui.

Deuxième étape : 1961-1971.

Indépendance et nationalisation des écoles avec la Révolution. La Révolution Congolaise a supprimé tous les Mouvements d’Action Catholique des jeunes. L’Église démunie s’est alors posé la question de sa survie. Elle s’est tournée vers elle-même et vers ce qui avait résisté à l’oppression : Légion de Marie, Schola Populaire, Archiconfréries, Mabundu (Communautés Chrétiennes déjà fortement structurées dans le Diocèse de Pointe-Noire), Foyers Chrétiens, Fraternités Féminines. Pour encadrer les jeunes chrétiens, les Mouvements des Enfants de Chœur, les Élisa, les Chorales s’intensifient.

Au moment de l’arrestation des Abbés, on assiste à un retour massif vers l’Église et un approfondissement de la foi. Beaucoup de jeunes s’engagent comme catéchistes bénévoles. Des associations pieuses et des mouvements de prière charismatique prennent naissance.

Dans les veillées funèbres, la Schola Populaire inaugure, par le chant, un vaste mouvement de conversion, d’interpellation chrétienne, de transformation des coutumes. Les Yamboté, les groupes vocaux, les Sainte Rita et les Amis de Don Bosco-voient le jour.

Troisième étape : 1972-1980, Influence de Vatican II

Formation du Laïcat.

Devant cette renaissance qui lui vient de l’intérieur, l’Église Congolaise s’est organisée. D’abord en ville, puis à l’intérieur des Diocèses. L’Église et l’Apostolat ne sont plus l’affaire des seuls curés et prêtres, mais celle de tout le peuple de Dieu. Des laïcs sont placés comme présidents, à la tête des mouvements ; des conseils Paroissiaux naissent où la responsabilité d’Évangélisation est partagée entre la hiérarchie et les Laïcs.

Cette prise de conscience a nécessité certaines structures et des moyens de formation : sessions permanentes, Équipe E.F.A.C (Pointe-Noire), Équipe itinérante (Likouala), Cercles bibliques, etc...

Cette formation de base donne des fruits que nous pouvons constater aujourd’hui chez certains chrétiens : témoignage de vie chrétienne authentique, accomplissement exemplaire du devoir d’État, apostolat de la parole, service caritatif, prière individuelle et collective.

Quatrième étape : 1981-1986

Cette période qui ne présente pas de nouveauté particulière, est un temps où le problème de la formation se pose sérieusement. Nous reconnaissons, avec admiration, que dans notre Église du Congo, surtout dans les moments les plus durs, nos chrétiennes se sont montrées très courageuses dans l’expression de leur foi. Elles sont sorties de leur complexe d’infériorité et jouent leur rôle auprès de leurs frères.

LIEUX PRIVILÉGIES

Ce survol historique nous permet de dégager les lieux privilégiés où doit se réaliser l’Apostolat des Laïcs.

1. La politique, (travailler pour le bien de tous, la promotion de la justice et de la paix).

Ici, de façon particulière, il est demandé d’agir avec prudence comme nous le dit Notre Seigneur : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Montrez- vous donc prudents comme les serpents et candides comme des colombes » (Mt 10, 16-25).

2. L’Économie et le Travail, (viser la compétence, la conscience professionnelle ; former au sens et au respect du bien commun).

« Frères, nous vous le demandons au nom du Seigneur Jésus-Christ : éloignez-vous de tous les frères qui vivent dans la paresse et ne se conforment pas à l’enseignement que nous leur avons transmis...Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3, 6-10).

3. La Famille et l’Éducation.

Voici quelques paroles de la Bible qui peuvent nous aider à bien réfléchir sur le sujet :

« Qui aime son fils, lui prodigue le fouet, plus tard ce fils sera sa consolation.
Qui élève bien son fils, en tirera satisfaction et, parmi ses connaissances, H s’en montrera fier. Celui qui instruit son fils, rend jaloux son ennemi, et se montre joyeux devant ses amis
 » (Si. 30, 1-3).

4. La Révolution Culturelle. (être attentif à sa culture, à ses valeurs, en devenir le promoteur).

« Comme le Royaume du Christ n’est pas de ce monde... (cf. Jn. 18, 36), l’Église ou Peuple de Dieu par qui ce Royaume prend corps, ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit, au contraire, elle sert et assume toutes les richesses, les ressources et les formes de vie des peuples, en ce qu’elles ont de bon ; en les assumant, elle les purifie, elle les renforce, elle les élève » (L.G. 13). C’est ici que se situeront les questions du racisme, de l’oppression, des handicapés et des nécessiteux, de la paix, du développement.

QUELQUES MISES AU POINT

Le bilan de l’Apostolat des Laïcs est largement positif et encourageant. Mais cela ne nous empêche pas de signaler les points suivants :

1. Les documents conciliaires ne sont pas suffisamment connus et exploités, d’où le manque de formation et d’information au niveau des laïcs, et peut-être des clercs. Ignorant leurs droits et devoirs, les laïcs progressent difficilement.

a) L’Évêque est le premier responsable de tout apostolat et de tout mouvement d’apostolat dans son Diocèse. Aucun mouvement d’apostolat ne peut commencer dans un Diocèse sans l’autorisation explicite de l’Évêque. Aucun mouvement d’apostolat ne peut exister sans référence à un aumônier diocésain nommé officiellement par l’Évêque.

b) Aucun mouvement d’apostolat ne peut exister dans une paroisse sans une insertion paroissiale et sans référence à un curé.

c) Aucun mouvement d’apostolat ne peut organiser une réunion, une sortie, une activité commune dans une paroisse, sans une autorisation du curé.

d) Il est recommandé à tous les aumôniers diocésains ou nationaux de ne pas donner des ordres à un mouvement d’apostolat sans en avoir informé, bien à l’avance, directement ou indirectement, le curé du lieu et sans s’être mis d’accord avec lui. Il leur est également recommandé de ne rien organiser dans un Diocèse sans passer par l’Ordinaire du lieu.

2. Beaucoup d’incompréhensions entre Laïcs et Agents Pastoraux des paroisses empêchent l’établissement d’une collaboration franche et efficace. Des querelles, des mésententes, des rivalités, des jalousies à l’intérieur d’un même mouvement et entre mouvements sont signalées de temps en temps. Nous invitons les chrétiens à un examen de conscience régulier, pour faire disparaître ces fautes qui sont un contre témoignage et vont contre la charité fraternelle.

3. Dans la plupart des mouvements d’apostolat, nous avons l’impression que l’exigence de la conversion est oubliée, alors qu’elle devrait être centrale. Les chrétiens et les chrétiennes semblent plus préoccupés du social (dépenses exagérées lors des fêtes, achats des uniformes, cotisations fortes, solidarité matérielle) que du bien apostolique et spirituel. La vie de concubinage et le syncrétisme de la foi continuent.

a) Le chrétien et la chrétienne ont le devoir de rester à la maison pour l’équilibre personnel, la stabilité du foyer, l’éducation des enfants. C’est pourquoi, nous Évêques du Congo, invitons les chrétiens et chrétiennes à réfléchir sérieusement sur ce point, seuls entre époux, entre parents et enfants, entre chrétiens, entre familles, entre chrétiens et agents pastoraux, pour arriver à une modération raisonnable des absences à la maison.

Cette remarque vise particulièrement et directement les veillées funèbres et les veillées de prière qui durent toute la nuit. Dès aujourd’hui, nous disons que les veillées qui vont au-delà de minuit sont déconseillées.

Aucun groupe d’apostolat ne peut organiser une veillée sans une autorisation du curé. En même temps que nous écrivons ceci, nous n’ignorons pas les questions que vont soulever nos recommandations, voilà pourquoi nous confierons sans tarder, à une équipe de chercheurs, le soin de réfléchir sur la question, pour mieux éclairer la mentalité de nos chrétiens et de nos chrétiennes.

b) Il est conseillé aux chrétiens de s’engager au moins dans un mouvement d’apostolat pour soutenir leur foi. Il est normal qu’un chrétien appartienne à un mouvement d’apostolat et à un mouvement spirituel. Toutefois, nous demandons à tous ceux qui sont dans les mouvements de réfléchir sérieusement à ce qu’ils font et, si nécessaire, de faire le choix. Sauf en cas de justification acceptable, nous interdisons l’appartenance à deux mouvements de même tendance.

4. La situation des chrétiens et des chrétiennes engagés face à l’État est très diverse.

a) Des chrétiens considèrent leur insertion dans les organismes d’État comme une occasion de témoigner réellement du Christ et de mieux s’engager. À ceux-là et à celles-là, nous apportons nos encouragements de Pasteurs.

b) Des chrétiens s’insèrent dans les organismes d’État uniquement pour leur promotion sociale personnelle. Nous les désapprouvons et nous leur demandons de modifier leur comportement.

c) Des chrétiens entrent dans les organismes d’État pour combattre systématiquement l’Église. Nous condamnons de tels comportements et nous demandons la grâce de la conversion pour ceux qui se sont rendus coupables. « Mais celui qui m’aura renié devant les hommes... » (Mt. 10, 38 ).

d) Des chrétiens refusent de se laisser détourner de leurs engagements chrétiens et subissent en conséquence, de façon totalement injuste, toutes sortes de brimades, de vexations, d’injustices et d’ennuis. De ceux-là et de celles-là, nous sommes également profondément solidaires. Nous les encourageons à demeurer fidèles à notre Seigneur Jésus-Christ, mort et ressuscité et nous les assurons du soutien de nos prières (Ap. 2, 26-28).

e) Il est déjà arrivé que des chrétiens, des chrétiennes ou des mouvements d’apostolat soient sollicités pour un service par une Autorité politique ou administrative, en tant que faisant partie d’un mouvement d’apostolat ou en tant que mouvement d’apostolat. Jusqu’ici, par défaut de clarté, les attitudes des chrétiens ont été hésitantes, embarrassées, diverses et parfois contradictoires. Voici ce que nous disons : tous les chrétiens et toutes les chrétiennes qui font partie d’un mouvement d’apostolat, tous les mouvements d’apostolat en République du Congo, sont sous l’autorité unique et directe des Évêques du Congo.

Toute personne physique ou morale qui a besoin de demander un service à un chrétien, à une chrétienne, ou à un mouvement d’apostolat ou en tant que mouvement d’apostolat, est priée de s’adresser uniquement et directement à l’Évêque ou à son Représentant. L’Évêque donnera sa réponse en tenant compte des attributions institutionnelles respectives, des exigences du respect des personnes et du bien commun bien compris.

Par ailleurs aucun chrétien, aucune chrétienne, aucun groupe ou mouvement d’apostolat ne peut répondre au nom de l’Église, ni du groupe ou mouvement d’apostolat, sans être mandaté par une Autorité Ecclésiale compétente. Nous regrettons que des militants chrétiens se laissent récupérer anémiant ainsi l’apostolat dans leurs milieux.

PERSPECTIVES

Le gigantesque élan d’apostolat qui fait bouger nos chrétiens et nos chrétiennes pour le bien de l’Église et de notre pays, nous montre l’urgence d’une formation des Laïcs mieux organisée. Voilà pourquoi nous avons demandé à l’équipe des professeurs du Grand Séminaire Émile BIAYENDA, de prendre en mains, dès maintenant, la programmation de cette formation, trois jours par semaine, à raison d’une heure par jour. Les jours et les heures vous seront communiqués dès que possible.

Cette formation biblique, doctrinale (théologie, histoire de l’Église, doctrine sociale de l’Église) ; sociale (action familiale, éducation, questions de culture) visera à faire du Laïc, une personne compétente, engagée, consciente de ses droits et de ses devoirs, ayant le sens du bien commun et de la justice. Et cette formation devra s’étendre aussi dans les autres Diocèses du Congo, suivant les structures et les moyens adaptés aux situations concrètes des lieux.

 


 
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