CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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MESSAGE DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE À TOUS LES CATHOLIQUES DU CONGO : Février 1984

vendredi 16 mars 2012

1ère SESSION Post-Centenaire, en Février 1984 À BRAZZAVILLE AVEC les Évêques du 1er Centenaire

I. ESPRIT DU CENTENAIRE

1. La célébration du Centenaire de l’Évangélisation du Congo, au mois de Juillet et Août de l’année écoulée a été une véritable grâce de Dieu pour notre peuple chrétien du Congo. On se souviendra longtemps de ces moments intenses de prière, de partage de foi et de charité que nous avons vécus à Loango, à Linzolo, à Owando et à Brazzaville.

Tous chrétiens, nous nous sentions une seule âme, un seul cœur, un seul peuple de croyants dans le Christ. Tous, nous étions fiers, à travers nos marches à pied, nos déplacements, nos rassemblements, nos célébrations, de ce levain de l’Évangile qui a fait germer et grandir cet arbre qu’est la chrétienté congolaise d’aujourd’hui. Tous, nous étions conscients de cette œuvre de Dieu réalisée dans notre pays : nous l’avons chantée et nous en avons remercié le Seigneur.

2. Ces gens qui se pressaient de toutes parts venaient pourtant de régions différentes ; ces hommes, ces femmes, ces enfants étaient d’ethnies différentes, et pourtant ils avaient tous le sentiment réel de former un seul peuple, le peuple des croyants unis à leurs Pasteurs les Évêques et les Prêtres. Toutes les barrières raciales, ethniques, régionales étaient dépassées. Chacun rencontrait l’autre, sympathisait avec l’autre, partageait avec l’autre. Il n’y avait plus ni hommes, ni femmes, ni enfants, ni ressortissants du Nord, du Centre ou du Sud. « Qu’il est beau pour des frères de se retrouver ensemble » !.

3. Ces temps forts vécus ensemble demeurent une interpellation pour nous tous Catholiques congolais aujourd’hui. Demandons-nous donc pourquoi ce que nous avons pu vivre hier, nous sommes incapables de le vivre aujourd’hui ? Ces gens, nos frères avec qui nous pouvions louer et glorifier le Seigneur hier, ces gens que nous étions capables d’appeler frères ou sœurs, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd’hui ? Étions-nous sincères hier ?

II. DES PLAIES PROFONDES DANS LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE CONGOLAISE

Le tribalisme, le régionalisme

4. « A ceci on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres... Soyez un comme mon Père et Moi sommes un ». C’est la recommandation du Christ, ce Christ que nos aînés dans la foi, au Congo, ont accueilli il y a cent ans et que nous aussi, dans nos célébrations du Centenaire étions fiers de proclamer comme notre Sauveur.

Cet appel à l’unité est un devoir. C’est le signe de reconnaissance du disciple de Jésus. Il consiste, pour lui, à accepter les uns et les autres sans distinction, à les accueillir tous : un amour qui se définit comme un universalisme qui ne fait acception de personne.

5. Or que voyons-nous dans nos communautés chrétiennes ? Des germes de division qui ont pour nom tribalisme et régionalisme - c’est avec honte que nous sommes appelés à faire ce constat qui est vrai.

Le tribalisme, le régionalisme, le Catholique congolais l’affiche au grand jour par ses comportements, ses paroles, ses lettres. On n’accepte pas l’autre dans sa région, dans sa communauté pour des raisons inavouées de rivalités. On conteste un Évêque, un Pasteur parce qu’il n’est pas natif du Diocèse, parce qu’il n’est pas celui qu’on attendait.

Alors, on s’excite, on s’échauffe à bloc pour contester ; on va jusqu’aux menaces. Voilà où on en arrive avec cette plaie du tribalisme qui gagne notre communauté. Il peut avoir des conséquences très graves s’il n’est conjuré à temps et en profondeur.

6. Sans doute, une certaine tradition dans notre Église au Congo faisait qu’un Évêque sorte d’un Diocèse où il était incardiné. Cette coutume a été pratiquée jusqu’ici pour des raisons assez claires : manque de maturité religieuse, manque d’échange entre régions, susceptibilités tribales, etc... Si bien que quand il s’est agi pour nous de succéder aux Évêques Missionnaires, on a trouvé normal de chercher des remplaçants parmi les natifs incardinés dans leur Diocèse.

7. Cette coutume a ses côtés positifs, mais aussi ses côtés négatifs : elle ne favorise pas toujours l’universalisme dans l’Église où le chrétien doit se sentir partout chez lui. Les coutumes sont appelées à évoluer - celle-ci pour des raisons plausibles ne pouvait indéfiniment être pratiquée dans une Église qui se veut mûre. Tous, nous souhaitions que ça change, que ça évolue.

8. Concernant l’unité nationale, que de fois n’avons-nous pas été interpelés, en tant que citoyens congolais, par les dirigeants de notre pays ? Nous pouvons constater aujourd’hui l’étape franchie : un ressortissant de la Sangha n’a pas peur d’aller travailler dans la Lékoumou, un ressortissant du Pool, dans la Cuvette, un ressortissant de la Likouala, dans le Niari.

De ce côté, on a fait un pas en avant vers l’unité nationale. Ceci, à coup sûr, favorise l’échange, l’enrichissement mutuel. Dans ce cadre, les diversités culturelles deviennent une richesse pour les hommes dans le patrimoine commun. Ce n’est que dans ces échanges que la communauté s’enrichit et se construit. Dans ce monde, d’ailleurs, on ne peut plus tolérer de vivre en vase clos. L’épanouissement de l’homme actuel ne se fait que dans l’accueil de l’autre, de sa culture.

9. Et vous chrétiens, pouvez-vous refuser cette situation en Église, indéfiniment ? Certains chrétiens - et ils sont nombreux - en souffrent profondément. Les douloureuses situations dans lesquelles se trouvent plongées certaines communautés religieuses sont une inquiétude pour vos Évêques et même pour tout homme de bonne volonté.

Nous sentons, nous vos Pasteurs, plus que jamais que notre mission d’Évangélisation est avant tout une mission de paix, d’amour et de mettre tout en œuvre pour que les chrétiens vivent dans la paix, l’amour fraternel et la concorde.

III. CHRÉTIENS, QUE FAIRE ?

Un dépassement de soi.

10. Nous sommes entrés dans le deuxième Centenaire de notre Évangélisation. Cette étape nouvelle doit être abordée avec des sentiments nouveaux. Les ombres du premier Centenaire, les tâtonnements, une certaine mentalité d’attentisme, de désengagement, de tribalisme ou de régionalisme doivent, en cette phase, être dépassés.

11. Voici ce que nous vous disions : « L’organisation sociale de l’Église est au service de /Esprit du Christ qui la vivifie, pour la croissance du corps tout entier. A ce titre, et parce que peuple de Dieu pontifié par le Seigneur Jésus, elle doit détruire et dépasser tout folklorisme local, tout racisme exclusiviste, tout tribalisme égoïste et tout individualisme regrettable ». En termes bien clairs, nous lancions cet appel il y a sept mois à peine.

Les circonstances sont telles, en ce moment, que nous y revenons avec force. « Dépassons tout racisme exclusiviste, tout tribalisme égoïste, tout individualisme regrettable ». Cet effort, ne l’attendons pas seulement de celui à qui nous avons à reprocher des attitudes ataviques affichées ou non, mais de chacun de nous. Ce germe de racisme, de tribalisme est en chacun de nous.

Éviter le scandale de la division et de la révolte.

12. Notre Saint Père le Pape Jean-Paul II que nous aimons bien, que nous avons accueilli dans une liesse extraordinaire en 1980, a gardé de nous un souvenir mémorable qu’il ne cesse d’évoquer chaque fois qu’il rencontre des Congolais. C’est lui qui, connaissant nos besoins a voulu nous satisfaire en créant ce nouveau Diocèse de Nkayi et a nommé comme Pasteur du nouveau Diocèse Monseigneur Ernest KOMBO, un fils du pays. Ce même Pape Jean-Paul II nous a donné un cadeau à l’occasion de la célébration du Centenaire, en nommant nos deux jeunes Évêques Monseigneur Hervé ITOUA et Monseigneur Anatole MILANDOU.

Nous nous sommes tous réjouis de cette sollicitude du Pape à notre égard, celle-là même qui l’a poussé à traverser ici pour nous rencontrer. Aujourd’hui, c’est cette sollicitude paternelle, son amour vrai pour nous qui le guide en nous donnant ce nouveau Pasteur. Lui-même a tenu à conférer la dignité épiscopale en l’ordonnant le 06 Janvier à Rome, jour de l’Épiphanies. Nous devons en être fiers et l’en remercier de tout cœur.

13. Même si cette nomination ne répond pas à l’attente de tout le monde, nous vous invitons à un acte de foi. Pour y parvenir, que chacun pacifie son propre esprit en déposant la haine en tout esprit de domination ; que chacun ait ce courage d’une autocritique sincère en reconnaissant ses erreurs, que chacun formule enfin, de manière concrète, la volonté de n’exclure personne, arbitrairement et injustement, du droit de participer à la construction du royaume de Dieu dans notre pays, là où le Seigneur l’a placé. Un dialogue sincère doit s’instaurer entre chrétiens qui ne doivent se sentir nulle part étrangers à côté de leurs frères chrétiens, pour une harmonie de pensées et de volontés.

14. Enfin que chacun adopte une attitude de compréhension fraternelle envers ceux qui se sont trompés en prenant telle ou telle attitude contraire à l’esprit de l’Évangile. Nous devons être des hommes de pardon.

« Oui, si vous pardonnez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos manquements » (Mt 6, 14-15). Ayons tous conscience de la grandeur de la mission qui la nôtre : chrétiens et Pasteurs.

Tous nous sommes appelés à annoncer le Christ et son Évangile. Le Christ est notre réconciliation, notre paix... et son Évangile est une Parole d’amour. Comment annoncer le Christ si nous nous comportons en ennemis du Christ et de son Évangile ? Le Christ nous invite à l’unité. Nous faisons nôtre cet appel de Paul aux Philippiens, Chap. 2, 1-15.

IV. UN APPEL A LA CONSCIENCE DES CHRÉTIENS

15. Chers chrétiens, ne nous égarons pas en rivalités inutiles, en luttes tribales qui ne peuvent engendrer que la haine et la division. Considérons les effets de ces comportements anti-évangéliques auprès de ceux qui nous voient vivre. Que remarquons-nous ? Aujourd’hui, la prolifération des sectes religieuses dans notre pays n’est-elle pas due aux comportements anti-évangéliques des chrétiens ?

Certains nous quittent parce que nous sommes si peu charitables, si peu attentifs, si portés à des disputes dans nos assemblées religieuses. Et ces églises qui se vident de plus en plus, n’en sommes-nous pas les premiers responsables parce que nous ne savons pas accueillir, écouter, venir en aide ! Certains préfèrent rechercher des communautés où ils se trouvent pris en considération et mieux accueillis.

16. Faisons tout pour renforcer d’abord l’union entre nous chrétiens congolais sans distinction d’origine, de race ou d’ethnie. Certains comportements dont nous avons été témoins, en effet, montrent que la méfiance et les soupçons ont germé à l’intérieur de notre Église congolaise.

Cherchons à refaire cette unité en nous écoutant les uns les autres, en cherchant à comprendre les autres, en évitant de juger et en nous respectant mutuellement. Que par nos efforts, notre communauté chrétienne congolaise devienne une communauté universelle de partage, une communauté enfin réconciliée, lieu de communion et d’amitié pour toute l’humanité.

17. En ce début du deuxième Centenaire, cherchons à vivre dans la paix. Recherchons l’unité. Créons des communautés chrétiennes viables où il fait bon pour des frères de vivre ensemble, afin que ceux qui nous voient vivre puissent dire : «  voyez comme ils s’aiment  ». Que Dieu Lui-même répande sur vous son Esprit, l’esprit d’amour, de paix et d’unité. Et qu’il vous accorde toutes ses bénédictions !

Fait à Brazzaville, le 05 mars 1984

 

Pour les Évêques de la Conférence ÉPISCOPALE du Congo

Monseigneur Georges-Firmin SINGHA,
Président de la Conférence ÉPISCOPALE.

 

 


 
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