CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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Monseigneur Urbain NGASSONGO : LETTRE DE CARÊME 2017

mardi 18 avril 2017

« Appelés à faire grandir la culture de la miséricorde »

 
Aux Prêtres et Personnes Consacrées,
Au peuple de Dieu du Diocèse de Gamboma

Paix et Joie à tous et à toutes !

Chers frères et sœurs, Chers Diocésains et Diocésaines de Gamboma,

Chaque année l’Église nous invite à consacrer une attention particulière aux temps forts de l’année liturgique. Pour ce carême 2017, commencé le mercredi 1er Mars, je voudrais vous inviter à la suite du Pape François, à approfondir et à témoigner la miséricorde car « Nous sommes appelés tous à faire grandir la culture de la miséricorde » [1].

En effet, lors de la clôture du Jubilé extraordinaire de la miséricorde, le Pape François nous indiquait la route à suivre pour l’avenir en ces termes : « Le jubilé est fini mais la Miséricorde de Dieu continue ; car Dieu est Miséricorde » [2]. Ces propos, encore forts et actuels du Souverain Pontife, nous inspirent et nous donnent la clé de compréhension de ce Beau Temps fort de l’Année liturgique, véritable itinéraire spirituel, à la fois personnel et communautaire vers la Pâques de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le temps de Carême est, en effet, un moment favorable et fondamental où chaque baptisé s’engage à approfondir et vivre la vocation chrétienne à la Miséricorde. Le Saint Père dans sa lettre de Carême 2017 nous rappelle les ABC du Carême : « le Carême est un nouveau départ, une route menant à une destination sure : la Pâques de la Résurrection, la victoire du Christ sur la mort. Et ce temps nous adresse toujours un appel pressant à la conversion : Le chrétien est appelé à revenir à Dieu « de tout son cœur » (Jl2, 2) pour ne pas se contenter d’une vie médiocre, mais grandir dans l’amitié avec le Seigneur. Le Carême est le moment favorable pour intensifier la vie de l’esprit grâce aux moyens sacrés que l’Église nous offre : le jeune, la prière et l’aumône » [3].

Au cœur de la réalité de notre société congolaise en général et de notre contexte ecclésial de Gamboma en particulier, il est impérieux de fixer nos regards intérieurs et extérieurs sur la Miséricorde Divine. Car, elle est une action concrète de l’amour qui transforme et transfigure nos vies. L’aspiration profonde à la paix véritable dans nos milieux de vie ne peut se déployer qu’en considérant les composantes de la miséricorde à savoir le dialogue permanent, la justice et la réconciliation. Dans ce sens les Évêques du Congo affirment « pour le bien social de notre pays, nous vous invitons à promouvoir le dialogue et à opter définitivement pour la paix » [4], comme dit Jésus « Je vous laisse la paix, je vous donne la paix » (Jn 14, 27).

Cette pratique ecclésiale se vit comme une conversion christique et ecclésiale. Or le péché nous paralyse, aveugle et désoriente. Sachons que Dieu ne nous abandonne pas (Mt 28, 20). Jésus, l’ami fidèle qui vient à notre rencontre lorsque nous péchons, attend patiemment notre retour à lui. Ayant expérimenté la profondeur de la Miséricorde de Dieu, du moment où nous nous engageons pour ce retour, nous expérimentons cette profondeur de la miséricorde. Ce retour à la grâce nous est communiqué par les sacrements, surtout la confession et l’Eucharistie, vrais canaux de transmission de l’Amour Miséricordieux du Père. La relation d’amour de Jésus au Père est la seule norme pour la vie chrétienne authentique. Nous sommes appelés, nous chrétiens de Gamboma, chrétiens du Congo, à prendre la mesure de notre éloignement de Dieu, partant de la proximité continuelle qui unit Jésus à son Père.

Nous sommes donc tous « appelés à faire grandir une culture de la miséricorde » afin de découvrir et déployer : L’harmonie avec Dieu et avec le Christ dans l’Esprit Saint ; l’harmonie avec l’Église et nos semblables ; l’harmonie avec la nature ou l’environnement.

1/- L’harmonie avec Dieu et avec le Christ dans l’Esprit Saint

Cette harmonie est essentielle. Recherchons-la en ce temps de carême. Ne la perdons du tout par nos choix multiples, nos calculs égoïstes et intéressés qui nous éloignent de Dieu. Notre amitié avec Dieu se rompt lorsque nous sortons de la géographie mieux du contexte de sa grâce par la désobéissance, à ses commandements, bref par le péché et ses corolaires variés et désastreux mettant en péril notre « être- ensemble » ou « vivre ensemble ». Le temps de carême parait donc une véritable opportunité pour revenir à Dieu, pour refaire l’harmonie avec lui « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2,1).

2/- L’harmonie avec l’Église et nos semblables

« L’Église est catholique, parce qu’elle est la « Maison de l’harmonie » ; elle est comme un grand orchestre où la variété et la diversité de ses membres n’entrent pas en conflit. La particularité de chacun est au contraire valorisée au maximum ; et la variété est transformée en harmonie par l’Esprit Saint, le vrai « Maître », qui est lui-même harmonie. » Cette assertion du Pape François, nous aide et nous invite à réfléchir sur l’harmonie qui devra régner dans nos structures tant ecclésiales que socio-politiques. L’image de « l’église maison de l’harmonie » est applicable à nos familles, nos communautés, notre nation. Ce temps de carême est donc une occasion offerte aux chrétiens de Gamboma, aux chrétiens du Congo, et à tout baptisé pour rechercher l’harmonie, la semer et la cultiver dans nos différents lieux de vie. Nos diversités multiples d’opinions, d’idées, de religion, de partis politiques, ne doivent pas être un obstacle à cette démarche.

L’Église est catholique car elle est Universelle, a assuré le Pape François. “Ce n’est pas un groupe d’élite, elle ne concerne pas seulement certains“, a-t-il averti, mais “la totalité du genre humain.

Annoncer l’Évangile, n’est pas l’affaire de quelques-uns, cela concerne aussi chacun d’entre nous“. L’harmonie devient possible et effective lorsque chacun se donne à pardonner et à recevoir le pardon de l’autre. C’est le pardon qui brise les limites et conjure les dangers de l’orgueil humain. La culture du pardon fait tomber les barrières. “Puisque Dieu m’a pardonné, quand j’étais encore son ennemi (Rm 5,10) ; je dois absolument moi aussi pardonner à mon prochain alors qu’il est encore mon ennemi (Mt, 5,43-48) ; puisque Dieu m’a donné sans compter jusqu’à la perte totale de lui-même, (Mt6,1-4 ; 6, 19-34).

La mesure que Dieu emploie devient la mesure que j’ai à employer et d’après laquelle je serai mesuré. Le Souverain Pontife nous rappelle que l’autre est un don. Défini comme tel en effet, l’autre, le prochain devient pour nous une personne à aimer, à soigner, à protéger. Car “ le chrétien rencontre le Christ dans le prochain, non derrière lui ou au-dessus de lui ; c’est là seulement ce qui correspond à l’amour d’incarnation et de souffrance de celui qui se nomme sas article “ Fils d’homme”(Jn5,27) [5] Qui est l’autre alors dans la société congolaise : l’étranger, le voisin, le faible, le démuni, l’exclu,… L’autre pour moi c’est mon frère du kouilou, du Niari, de la Bouenza, lekoumou, des plateaux, des deux cuvettes, de la Sangha et de la likouala (chrétien ou non chrétien). Résistons donc tous à la culture de la violence, du tribalisme, du régionalisme, de l’égoïsme, comme l’a toujours prêché notre Bon Cardial Émile Biayenda, témoin de la paix, de la réconciliation et de l’unité nationale : “ Si quelqu’un te propose la haine, tu lui réponds avec la conjugaison de l’amour qui vient de Dieu (Mt 5, 17-48). Nos clans, nos familles, nos quartiers, nos villes ne seront jamais sauvées par la haine mais par l’amour dont Jésus est la source éternelle. Aujourd’hui la culture de la miséricorde est d’une importance capitale. Nombreux de nos villages disparaissent à cause des conflits de génération, d’autres encore sont foyer de tension entre les jeunes qui accusent des vieux de sorcellerie. L’harmonie avec l’Église nous fait rencontrer la miséricorde qui nous transforme parce qu’en elle est present Jésus lui-même. Dans l’Église, chacun trouve le nécessaire pour croire, croitre, pour cheminer comme chrétien, plein d’amour.

3/-L’harmonie avec la nature

Cette harmonie réside dans le respect de notre milieu de vie. Le Saint Père dans son encyclique sur l’écologie nous interpelle tous à ce sujet. « Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. Je souhaite saluer, encourager et remercier tous ceux qui, dans les secteurs les plus variés de l’activité humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison que nous partageons. Ceux qui luttent avec vigueur pour affronter les conséquences dramatiques de la dégradation de l’environnement sur la vie des plus pauvres dans le monde, méritent une gratitude spéciale. Les jeunes nous réclament un changement. Ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus » [6].

Cette interpellation du Pape est d’une grande actualité dans le contexte du Diocèse de Gamboma. De même les Évêques du Congo dans leur message de Noël 2017 invitent tous les Congolais, chacun où il se trouve, au respect de l’environnement donc de la nature et de l’espace vital (Cf Message de Noël des Évêques du Congo). Tous et chacun selon son rang social et ses capacités, sont appelés à l’accueillir comme une invite personnelle. Ainsi, la propreté dans nos villages, le respect des techniques agricoles, la lutte contre la pollution de nos rivières, la lutte contre l’abattage des arbustes pour la fabrication du charbon, la prudence dans la constructions anarchique des maisons sans plan cadastral, le respect des lieux publics, des salles de classe, la revalorisation de nos villages qui se meurent deviennent une priorité, un véritable effort du carême. N’est-il pas le moment de revaloriser nos villages qui se meurent ?

Je vous souhaite, à tous et à chacun, une bonne montée vers Paques en m’appropriant les propos du Cardinal Pietro Parolini, Secrétaire d’État du Saint Père, en disant : « Que le bien de l’autre soit ton bien et que le Malheur de l’autre soit ton Malheur ». Seul l’amour reste et restera un vrai. Que la Vierge Marie Reine de la paix et Mère de la Miséricorde nous accompagne sur le chemin de la miséricorde pour un Carême fructueux et une Paque merveille.

Fait à Gamboma, le 22 Février 2017
Fête de la chaire de Saint Pierre.

 

+ Urbain NGASSONGO
Évêque de Gamboma

 


[1 lettre apostolique Misericordia et Misera”, Pape Francois, le 20 Novembre 2016 n.20

[2Idem n.16

[3Pape François, Message pour le Careme 2017 ; du Vatican, le 18 Octobre 2016.

[5U.U. V. BALTHASAR, L’amour seul est digne de foi, Parole et silence, 1999, p.89-90

[6François, Laudato si, no 13


 
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