CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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Monseigneur Victor ABAGNA-MOSSA : Message de Carême 2016

vendredi 26 février 2016

Aux Prêtres, Religieux et Religieuses, aux Fidèles chrétiens, Au Peuple de Dieu, à toutes les Personnes de bonne volonté !

« Cultivons la paix dans la miséricorde »

1. « Je t’en conjure devant Dieu et devant Jésus Christ ; prêche la Parole, insiste en toute occasion favorable ou non, reprends ; censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant » (2Tim 4,1-2). Fort de cette parole j’ose encore vous adresser ces quelques mots à l’occasion de ce Carême de jubilé de la Miséricorde. Et je veux clamer : Cultivons la paix dans la miséricorde. Car notre Dieu, le Dieu de Jésus Christ n’est pas un Dieu de la guerre, de la vengeance et de la rancœur, notre Dieu n’est pas un Dieu « de désordre mais un Dieu de paix »(1Cor 14,33) , « Lent à la colère, plein d’amour, de miséricorde et de vérité » (Ex 34, 6).

2. Le jubilé est un temps de grâce (Pape François, Misericordiae vultus, n ; 3) ; un temps au cours duquel nous nous tournons vers Dieu pour obtenir le pardon de nos péchés et la remise de notre dette résultant du mal que nous avons fait : « Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon. La miséricorde sera toujours plus grande que le péché » (Pape François, Ibidem).

3. Depuis le 8 décembre 2015 nous sommes dans cette Année jubilaire de la Miséricorde divine. Je suis certain que depuis cette date chacun de vous, aidé par les pasteurs qui se dévouent pour votre croissance spirituelle et humaine, entre progressivement en relation profonde avec Dieu ; une relation qui donne à comprendre combien Dieu est miséricordieux (Jean-Paul II, Dives in misericordia, n ; 1), combien il est fidèle dans sa bonté généreuse, dans son amour. Il est ce Père , cet Époux toujours fidèle trompé par son peuple, par son épouse infidèle. Le peuple, l’épouse ou la fille trop souvent infidèle, désobéissant c’est toi, c’est moi aujourd’hui dans le contexte congolais.

4. Le Carême de cette année jubilaire fera de nous des justes si grâce à notre prière nous entrons en relation étroite avec Dieu, si nous habitons, si nous demeurons en Dieu, si nous vivons avec Lui malgré toutes les tentations. Alors nous l’emporterons dans le combat spirituel, comme Jésus au désert (Mt 4). Durant ce jubilé et ce carême , Le pape François nous conseille des actions qui aident notre foi à « se traduire par des actes concrets et quotidiens ; ces actions nous aident à prendre un des trois chemins du Carême qui nous sanctifient : la prière, le jeûne et l’aumône. Par l’aumône nous aidons le prochain corporellement et spirituellement. Le pape parle donc d’œuvres de miséricorde corporelles : nourrir notre prochain, le visiter ; le réconforter ; l’éduquer ; le vêtir, l’héberger et des œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier pour son frère (Misericordiae vultus, n. 15).

5. Le Carême est le temps de la conversion ; le temps de revenir à Dieu (Jl 2, 12) ; d’opter pour une conception nouvelle de la vie ; de faire le choix d’une vie de communion avec Dieu notre Père. C’est aussi le temps de se sanctifier grâce à la Parole de Dieu dont nous devons nous nourrir davantage durant ce temps : Shema Israël : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt6 ,4-5)

6. Il est bon en ce Carême aussi de faire une évaluation du chemin parcouru depuis le début de l’année pastorale 2015-2016. Quelles ont été mes préoccupations. Qu’en a-t-il été du vade-mecum de cette année ! Quelles ont été mes préoccupations durant ces premiers mois ? Quels ont été mes soucis ?

7. A mi-parcours de notre chemin pastoral faisons le choix de vivre ce Carême sous le signe de la paix dans la miséricorde. Sans la paix, notre vie tombe en ruine. La paix construit et cimente notre vie. Elle est recherchée par tous et pourtant !!! Quand le 31 décembre, à l’aube de l’année nouvelle les hommes se disaient : « Bonne Année », le souhait était que la paix soit le bien de tous ! Hélas ! Ici et là, c’est la guerre, l’insécurité, le terrorisme, les divisions… Envolés, emportés, tous les bons vœux, tous les souhaits.

8. Comme ailleurs, nous ne sommes pas en paix au Congo. Nous avons encore besoin de travailler, de réfléchir pour que la paix s’établisse (Cf. Message de la 44ème Assemblée plénière des Évêques du Congo, n. 14). Comment des enfants ; des jeunes peuvent-ils trouver du plaisir à blesser, à tuer sans gêne, sans remords ! La peur et l’insécurité ont chassé la paix et la liberté : ils font la loi dans certains quartiers ceux qu’on appelle « bébés rouges, bébés noirs, bébés lilis, kata kata, kulunas, etc. » (Cf Message de la 44ème Assemblée plénière des Évêques du Congo, n. 27). Après deux ans de réflexion et de méditation sur la famille comment comprendre ces actes perpétrés par des enfants et des jeunes assassins !!! Et que fait l’État pour que le peuple vive en paix, en sécurité ! Chrétiens, hommes de bonne volonté, Force publique, Hommes politiques, amis du Congo que pouvons-nous faire pour que notre mère patrie, le Congo, terre accueillante, terre généreuse, terre de paix redevienne un Congo où il fait bon vivre- en sécurité, en paix !

9. La paix est certes l’absence de guerre, absence d’arme. La paix que nous désirons, la vraie paix, celle que Jésus Christ nous laisse, celle qu’Il nous donne (Jn14,27) , c’est la paix qui arrache de nos cœurs l’ivraie, la mauvaise herbe, le désir de faire le mal, le désir de se faire collaborateur du péché, collaborateur du prince de la zizanie qui est Satan ; c’est la paix qui arrache de nos cœurs l’égoïsme, l’individualisme, l’orgueil.

C’est cette paix qui stimule en nous le désir de travailler pour le bien de tous et de chacun, qui ouvre nos cœurs à la justice, à la pratique de la charité concrète, à la culture du « nous » et non du « je », à la culture du vivre ensemble. Soyons tous « des artisans de paix, de réconciliation, de justice et de vérité » (Ibidem, n. 29)

10. Chrétiens et vous jeunes chrétiens je nous invite à travailler pour la vraie paix, pas celle des lèvres, pas la paix idéologique, qui s’obtient sans justice, la paix illusoire et éphémère (Africae munus, n. 18). En cette année de la Miséricorde divine prions comme nous le demande le Pape François pour que tout Congolais (se) puisse « mûrir un cœur humble et compatissant, capable d’annoncer et de témoigner la miséricorde, de pardonner et de donner, de s’ouvrir à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes » (Pape François, Message pour la célébration de la XLIXè journée mondiale de la paix) que l’injustice sociale a souvent créé sans état d’âme.

La miséricorde : un autre nom de la paix

11. Paix et miséricorde vont ensemble. Il n y a pas de paix sans miséricorde ; sans pardon. Si aujourd’hui, nous nous déchirons, nous nous battons, c’est parce que nos cœurs sont remplis de haine et de vengeance. Rappelez-vous ce que j’écrivais dans le vade mecum de cette rentrée pastorale. Il est vrai que nous ne sommes pas encore un peuple uni, une Nation unie. Depuis 1959 en passant par 1997- 1998 et même très récemment le 20 octobre 2015, il suffit de rien pour que l’on parle de fraction sociale, de nord et de sud (du lari, kongo, mbochi, téké, vili, bembé, etc.). Cela n’épargne pas les serviteurs de Dieu. Nous sommes encore des citoyens du paganisme. Il est vrai que notre démocratie est encore très jeune ; elle n’a pas 50 ans ! La menace de la division ; la soif de la vengeance, les menaces en sourdine de vengeance de l’une ou l’autre partie du peuple sont la caractéristique de beaucoup dans cette nation congolaise.

12. Dans un peu plus d’un mois, le jour même où nous entrerons en Semaine sainte avec les yeux de notre cœur nous verrons Jésus prendre sur Lui nos péchés pour faire de nous des justes. Allons-nous, ce jour-là, prendre le parti de Satan père du mensonge et de la division, aiguiser nos armes de guerre et chercher à faire le mal ! Les enfants de Dieu, les amis de la Nation Congo, nourris de la paix de Dieu marcheront librement et mettront dans l’urne le nom de leur choix pour le bien de la Nation. Il n’y a pas besoin de déchirements, de bagarres si mon frère ne pense pas comme moi. Nous prions pour que celui qui en sortira vainqueur (vox populi vox Dei) soit celui que Dieu aura voulu pour cette terre du Congo qui appartient d’abord à Dieu comme le ciel et toute la création. Nous prions pour que celui qui sera aux commandes de la Nation en travaillant pour la justice et la paix nous permette de louer et de prier Dieu librement et dans la paix.

Interpellations

13. Comme si le Pape François pensait à notre Nation, il a voulu que cette année soit décrétée Année de la Miséricorde Divine, une Année jubilaire ! Si nous pouvions saisir cette occasion que le Pape nous offre pour chercher à refléter le visage miséricordieux du Christ ! Si on pouvait sincèrement se pardonner mutuellement ! Si de façon plus pressante nous pouvions « fixer notre regard sur la miséricorde divine, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père » (Misericordiae Vultus n. 3), alors le Congo notre pays à tous sera dotée d’une vraie paix, la paix de Dieu

14. Prêtres, Religieux, Religieuses, Fidèles chrétiens, Hommes politiques – Majorité et Opposition, hommes et femmes de bonne volonté, en ce temps de Carême et en ce temps de grand tumulte je nous supplie : cultivons la paix dans la miséricorde. Tenons-nous debout avec pour chaussure le zèle à propager l’évangile de la paix (Ep 6,15). Cela ne sert à rien de nous disputer, de nous battre, de précipiter à la tombe nos frères. La vie est à Dieu, c’est un don de Dieu. La violence et la guerre ne peuvent en aucun cas construire un pays. Les guerres que nous avons connues suffisent. Que personne ne nous impose une autre guerre. Dieu me demandera compte du sang de mon frère, quel qu’il soit : de mon ethnie, de ma tribu ou pas. Nous sommes tous enfants de Dieu, créatures bien-aimées de Dieu pour lesquelles Dieu fait homme a versé son Sang.

15. Fils et filles du Congo, amis du Congo et vous chrétiens devenus conscients de votre identité de fils de Dieu et de l’identité de fils et fille de Dieu de chaque homme, de chaque femme, pourquoi nous déchirer ! « Oublions donc ce qui nous divise- soyons plus unis que jamais » (Cf. L’hymne du Congo) !

16. Il y a à peine quelques jours les Évêques vous ont adressé une forte adresse sur la Miséricorde divine : « miséricordieux comme le Père » (lc 6, 36) en vous invitant tous à la miséricorde, autrement dit au pardon, à la réconciliation, au dialogue, à la tendresse et à la paix, notre trésor. J’ai voulu comme de manière réduite continuer à clamer le désir de notre cœur : que tous nous travaillions pour la paix, l’unité, la justice, l’amour. Alors ne fermons pas notre cœur. Ouvrons grandes ses portes à l’Esprit Saint : Esprit de charité ; de joie, de paix, de longanimité ; de serviabilité, de bonté, de confiance, de douceur et de maîtrise de soi.

Que le Seigneur de la paix vous donne Lui-même la paix en tout temps et de toute manière !

Owando, le 11 Février 2016
Fête de Notre Dame de Lourdes

 

+ Monseigneur Victor ABAGNA-MOSSA,
Évêque du diocèse d’Owando

 


 
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